Interviews : Stars of the Lid (Usine Genève, 13.12.07)

A l'occasion d'une tournée historique en Europe, la première depuis de longues années, Stars of the Lid se présente au théâtre de l'Usine avec une section cordes, une première pour le groupe. Arrivé par miracle à Genève depuis Rome malgré une pénurie de carburant, le groupe achève son concert tard dans la nuit, et Brian McBride a l'amabilité de répondre à quelques questions avant de tirer sa révérence.
Parlez-nous de cette tournée, la première depuis pas mal de temps.
Brian:
La raison pour laquelle nous sommes repartis en tournée est la sortie de notre nouveau disque, afin de la promouvoir ici en Europe. En général, nous ne jouons pas avec une section cordes, c'est la première fois que nous essayons de le faire. Je trouve cette formation beaucoup plus engageante.
Combien de personnes jouent sur le dernier album?
Brian:
Sur le dernier album, il y a un total de huit personnes, pas en même temps cependant. Par exemple, j'enregistrais une partie avec le violoncelliste à Los Angeles, ou Adam une autre avec l'alto à Bruxelles, et nous ajoutions les différentes parties ainsi, mais nous n'avions jamais vraiment 8 personnes ensemble dans une même pièce. Chaque fois qu'on pouvait avoir un musicien, on enregistrait sa partie.
Comment assemblez vous toutes ces parties pour créer une musique aussi fluide?
Brian:
Nous avons le luxe de faire cette musique depuis longtemps. Nous avons créé une sorte de "vocabulaire" assez stable auquel nous nous référons, nous savons à peu près ce que chacun de nous apporte au groupe. Typiquement, nous nous rencontrons deux fois pour l'enregistrement d'un disque, Adam vient à Los Angeles une fois, et moi à Bruxelles. La plupart du temps, nous communiquons à travers Internet. Par exemple, je lui envoie une idée, et il ajoute une nouvelle partie, ou finalise la phrase.
Quels sont les avantages et les inconvénients d'une collaboration à distance? (ndlr: Adam Wiltzie vit à Bruxelles et Brian McBride aux Etats-Unis)
Brian:
La plupart des instruments est jouée séparément, Adam et moi sommes rarement ensemble quand on enregistre l'album. En fait, fonctionner de cette manière est une meilleure relation de travail. Dans un studio, tu es obligé de réagir instantanément, et dans un sens ça précipite ce que tu peux créer. Par contre, si tu as ton propre espace et suffisamment de temps pour trouver ce qui est le plus approprié, la musique que tu crées est potentiellement plus fluide, et possède plus de sens. Ce travail prend beaucoup de temps, parce que nous n'en sommes jamais vraiment satisfaits, et quand nous nous rencontrons, nous ne sommes pas incroyablement productifs, parce que cela signifie écouter la même musique encore et encore. Si par exemple nous voulons jouer une partie en particulier qui dure une demi-heure, tu te dis que ça devient irritant pour l'autre, car tu joues sans cesse la même chose. C'est donc plus sensé pour nous d'enregistrer séparément, et de s'envoyer les différents morceaux.
Qu'en est-il de l'enregistrement lui-même, en général, enregistrez-vous les cordes sur place ou y a-t-il un long travail de post-production?
Brian:
En général, lorsqu'on travaille sur un morceau, nous écrivons une mélodie au piano, et ensuite nous invitons les différents solistes à enregistrer les différentes parties. Un des morceaux que nous avons joué ce soir, "December Hunting for Vegetaring Fuckface", commence par un simple drone en ré fait de deux boucles, et quand nous étions ensemble à Los Angeles, nous avons en quelque sorte expérimenté avec différents sons de piano, pour finalement arriver au résultat voulu, puis faire venir quelqu'un pour jouer chaque partie.
Avez-vous créé vous-mêmes les différents effets visuels projetés lors du concert?
Brian:
Non, c'est quelqu'un d'autre, mais c'est une personne que nous considérons comme un membre de Stars of the Lid - Luke Savisky. Luke est un vieil ami d'Austin, et nous avons travaillé avec lui presque à chaque fois que nous faisions des tournées. D'une certaine manière ce n'est pas très excitant de nous regarder nous tourner vers nos amplis sans arrêt, il est plus judicieux qu'il se passe autre chose, et en même temps cela amène une sorte de contre-poids à ce que nous faisons. Nous pouvons regarder ce qu'il fait et cela crée un rythme, nous pouvons changer ce que nous jouons en fonction de ce que nous voyons. Cet aspect visuel sera toujours présent en live, et nous avons vraiment de la chance de pouvoir travailler avec Luke.
6 ans ont passé depuis The Tired Sounds of.... Il est vrai que vous avez été occupés par des projets solo (ndlr: voir When the Detail Lost Its Freedom et Dead Texan), mais y a-t-il une autre explication pour expliquer ce délai?
Brian:
Les projets solos d'Adam et moi expliquent en partie ce long silence avec Stars of the Lid, c'est vrai. Mais c'est surtout parce que ça fait longtemps que nous sortons des disques, et il est difficile d'être toujours inspirés, nous ne voulons pas nous répéter, c'est pourquoi il nous faut plus de temps pour être satisfaits de notre travail: nous pensons qu'il est bénéfique de nous donner énormément de temps pour l'accomplir. En général, quand on enregistre quelque chose, ça marche comme ça: il y a une sorte de réaction initiale où tu penses "ok, c'est vraiment bien", puis tu l'écoutes un millier de fois, et tu finis par le détester. Le vrai test, c'est de savoir si oui ou non le morceau garde ce sentiment initial à la fin de ce processus. Il y a donc beaucoup de ruminations et de réflexions sur certaines choses, car nous sommes rarement satisfaits.
Il est peut-être trop tôt pour en parler, mais quels sont vos projets futurs, avec ou sans Stars of the Lid? Quelle orientation future voulez-vous donner à votre musique?
Brian:
Nous voulons avoir accès à un plus grand nombre de musiciens, et cette tournée avec ces trois jeunes femmes (ndlr: trio accompagnant le groupe en live) nous a beaucoup aidés à aller dans ce sens. Nous aimerions beaucoup pouvoir enregistrer avec un orchestre un jour ou l'autre. Nous nous dirigeons vers l'inclusion de davantage de cuivres dans nos morceaux, mais je pense que nous ferons toujours le même type de musique, nous n'allons pas enregistrer un album de dance music. Donc en quelque sorte, nous allons faire la même chose, mais différemment, parce que nous ne voulons pas nous répéter. Le but est de maximiser les sons humains, avec des joueurs d'instruments à cordes notamment, et pas juste des guitares.
Qu'est-ce que vous souhaiter transmettre ou communiquer avec votre musique?
Brian:
Je ne sais pas. Au final, j'essaye juste de faire de la musique que je considère comme belle, et rendre hommage à ce que je considère comme beau dans le monde. Donc je n'essaye pas de communiquer quoi que ce soit aux auditeurs, mais simplement de satisfaire mes propres oreilles, c'est finalement un processus plutôt égoïste. Si notre but était de transmettre un message aux auditeurs, nous ferions quelque chose de plus commercial, comme les disques de Britney Spears. Mais nous nous dirigeons clairement vers la musique classique, nous aimons de plus en plus écrire de la musique pour d'autres personnes ou jouer des choses au piano. Il y a de moins en moins de "heureux hasard" et davantage d'intentions derrière notre musique.
Quel genre de musique appréciez-vous, et quelles sont vos influences?
Brian:
C'est difficile à dire. Déjà, j'écoute beaucoup de musique merdique, comme du soft rock des seventies. J'écoute aussi beaucoup de musique classique contemporaine, comme Philip Glass, Gavin Bryars, George Delerue, des soundtracks bizarres. Mais en ce qui concerne mes influences, ce n'est pas nécessairement de la musique, mais les sons de tous les jours. En m'asseyant dans mon appartement, je suis davantage touché par l'interaction entre le bruit du vent, des voitures, etc. Je trouve cela tout aussi intéressant et musical qu'un morceau de musique.
Quelle est votre relation avec la critique? Vous arrive-t-il de lire des chroniques de vos disques?
Brian:
Pour être honnête, je ne fais pas de sondage. De temps en temps, les gars de Kranky nous envoient des chroniques, mais celles que je préfères sont les critiques qui saquent notre musique, comme la magazine Magnet, qui pendant un certain temps nous considérait comme un groupe new age, et qu'on était devenu punk rock en incorporant des titres de chanson bizarres. Je trouve cela plus engageant qu'une liste de synonymes d'"assoupi", "rêveur", etc. Je ne lis que les critiques qui ont davantage de substance, où le chroniqueur réagit et explique comment cette musique se rapporte à sa vie, au lieu de la comparer à d'autres musiques.

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