Les groupes de rock francophones de qualité ne sont plus légion aujourd’hui - certains s’y sont brûlé les ailes, et depuis que le trône de Noir Désir est vacant, il y a un véritable no man’s land rempli avec (plus ou) moins de succès. Saluons donc le cran de ces quatre lausannois qui ont choisi la langue de Molière, avec pas mal de succès à voir la vitesse de leur ascension, depuis leurs débuts en 2003 : premiers pas avec un EP fin 2003, tournées avec Dolly et Aston villa en 2004, pour arriver à l’album que voici fin 2005. Et 2006 s’annonce chargée pour le groupe, avec des concerts un peu partout en Suisse romande notamment aux Caprices Festival et Traverses-Musicales.
Pas de temps mort sur cet album, on a affaire à un rock énergétique et électrique d’un bout à l’autre. Les paroles traduisent confusément l’air du temps, venant comme des associations libres qui évoquent une multitude d’images. Télescopage de rimes et d’idées au service de la musique ou véritable critique sociale, les mots évitent les pièges du rock français, évocateurs mais suffisamment obscurs pour ne pas être limitatifs.
Comme tout premier album, on sent que le groupe se cherche encore, mais crève les enceintes dès l’instant où il se trouve. "Alarmant" et ses montées en puissance se révèlent bien vite contagieuses pour tout fan de rock normalement constitué. Tout fonctionne : les riffs de guitare entrecroisés, une batterie bien lourde et un refrain imparable. L’enchaînement sur "Phénomènes" ne fait qu’augmenter la pression, avec ce morceau plus inquiétant, à la rythmique musclée alternant strophes d’un calme menaçant (« on est fiers après tout de n’entendre que les cris, les insinuations monétaires et toutes ces paroles en l’air, et ces enfoirés à plein temps »), et refrain explosif à la façon d’un Bertrand Cantat.
"J -1" est un break bienvenu en milieu d’album, moment calme avec l’apparition d’un piano, avec un chant nostalgique et torturé, exercise dans lequel le groupe est loin d'être maladroit. Ces changements de tempo et de sonorités sont un peu trop rares, ce qui peut avoir pour effet d’assommer quelque peu l’auditeur, et il y a aussi une légère overdose au niveau de la répétition des refrains vers la fin ("Anormal", "Formidable"), avec des morceaux qui s’en tiennent à l’énergie pure, restant figé dans un schéma rock minimal.
L’envie et la sincérité qu’on perçoit dans cette musique est peut-être ce qui frappe le plus, que ce soit sur le premier EP (téléchargeable sur le site officiel de Celyane) ou cet album. Le potentiel est bien là, reste au groupe à forger encore davantage sa propre identité musicale, au fil des concerts et des albums, guidé par la flamme et la confiance qui le caractérise.
- JP, le 18 01 2006