Pour Tim Rutili et Ben Massarella (ex-Red Red Meat) qui officient depuis Roomsound en 2001 sous le nom de Califone, cette nouvelle production ne représente rien de moins qu’une renaissance. Un cycle s’était achevé avec Heron King Blues (2004) qui, aux dires de Rutili, symbolisait une certaine obscurité. La lueur au bout du tunnel, l’aube qui suit, c’est Roots & Crowns.
Ce titre n’est vraiment pas le fruit du hasard. Il est l’image d’une totalité, d’extrêmes qui ont pu s’harmoniser. Les racines : c’est de là où l’on vient, nos origines, la ressource tellurique. Les couronnes : comme celles des arbres, qui ne seraient rien sans le lien aux racines et qui sont le résultat d’une réinvention de soi, par l’esprit – conséquences d’une imagination fertile et surtout fertilisante.
Pour ce nouveau départ, le groupe aura pris son temps : l’enregistrement s’est étalé d’octobre 2005 à mai 2006. Malgré une démarche proche de Tunng, par exemple, qui consiste en un collage expérimental favorisé par une structure concise et des mélodies solides, l’impression globale qui se dégage de l’album est tout de même assez brute, connotée davantage rock. L’inventivité dans la manière d’utiliser les instruments acoustiques pour en sortir des sons originaux, parfois rigolos, fait penser à un dEUS qui aurait troqué ses grattes électriques contre des sèches. L’état d’esprit général de Califone, ainsi que les voix des deux fondateurs rappellent également pas mal la troupe d’Anvers.
Mis à part deux titres («A Chinese Actor», très vite lassant, et «Alice Crawley», un interlude de violon strident qui se retrouve sûrement là par le simple fait que l’instrument date de 1917…), tout l’album tient franchement la route. On pourrait citer «Pink & Sour», avec son atmosphère un brin psyché et ses sons bien placés, ou encore, dans le même délire, «Our Kitten Sees Ghosts» (son slap à la guitare acoustique enrobé des petites bidouilles aspirées et inspirées).
«Black Metal Valentine» est l’un des tous bons morceaux du disque : l’énergie est contagieuse, le rythme plus groovy et les voix se croisent de façon saisissante. La dernière piste, «If You Would», apparaît quant à elle comme un excellent résumé : toutes les couleurs et les touches de nuance de l’album s’y retrouvent. Sur la fin du titre, c’est vers une cacophonie, qui jette peut-être des perspectives futures au sujet de Califone, que l’on nous emporte. Après le calme lumineux, un retour vers le chaos?
[Des extraits en streaming sur le site du label]
- yak, le 22 01 2007