La demoiselle qui portait à fleur de peau sa douleur et sa folie n'est plus. C'est aujourd'hui une artiste accomplie qui s'approprie sans complexe quelques unes des compositions de ses pères. Le terme d'appropriation convient sans doute mieux que celui de reprise, tant les versions originales deviennent méconnaissables dans les doigts et dans la voix de Chan Marshall. Soyons franc, si je n'avais pas su que Jukebox était un second "cover records", je n'y aurais probablement vu que du feu et l'aurais pris pour un album original de Cat Power. En effet, celui-ci s'inscrit pleinement dans la lignée du dernier The Greatest et se caractérise notamment par un groove et une élégance indéniables. Les relents Soul sont toujours présents et la production est tout aussi soignée. Une tendance semble donc se confirmer...
Que penser dès lors de cette progressive maturation ? Certains la déploreront, arguant que le rock et la sérénité n'ont rien à faire ensemble. D'autres apprécieront la richesse et la nuance de cette maturité et loueront la complexité grandissante de l'interprète. Pour ma part, je ne peux m'empêcher de regretter le frisson des opus plus personnels et plus farouches de Chan Marshall, tels que What Would The Community Think ou encore You Are Free.
Passé ce débat, il est une réalité incontestable : celle de la grâce de cette chanteuse, dont la voix semble pouvoir sublimer à peu près n'importe quel morceau. Jukebox n'échappe pas à la règle et Chan Marshall ne nous prive en rien de ses charmes. Elle nous les dévoile cependant avec un peu plus de légèreté et un brin de superficialité. Celle-là même que l'on retrouve sur la pochette...
On en est encore loin, mais attention tout de même à ne pas tomber dans une musique de salon.
- sai real, le 3 02 2008