Alas est le premier LP des Black Cargoes, trio suisse-romand qui fait ses grands débuts sur la scène rock indé. La combinaison entre une guitare électrique très rock, une batterie fortement influencée par le jazz, et des synthés créant des textures sophistiquées démarque clairement les Black Cargoes des autres formations du genre. Quant au chanteur, dont la voix rappelle parfois celle d’Eddie Vedder, il est à l’aise tant dans les parties les plus explosives que dans les passages mélodiques, même si sur ce disque nerveux et émotionnel, le calme n’est souvent qu’apparent.
C’est lorsque tous ces éléments sont exploités à fond que le résultat est le plus convaincant. Quand l’alchimie fonctionne, l’impact atteint son paroxysme. Sommet de l’inquiétude avec le déchaînement cathartique de "Sway", emmenée par une ligne de basse souterraine, des sons de guitares stridents ainsi que des sonorités électro venues d’ailleurs nous attaquent de toutes parts, soutenus par une batterie énorme enchaînant break sur break, la voix du chanteur chaque seconde plus pressante. Cette démonstration de puissance évoque une mutation entre les Young Gods et Nirvana. Sommet du raffinement avec des power ballads comme "Save This town" et "Gray", superbes morceaux alternant ombre et lumière, faisant coexister les séquenceurs et autres sonorités électroniques avec la batterie et les guitares de façon fluide, le tout dans un registre émotionnel plus mélancolique.
Le baptême du feu qu’est un premier album est passé avec une maturité étonnante, le potentiel et l’originalité du groupe sautent aux yeux sur leurs meilleurs morceaux qui s’imposent d’eux-mêmes. Techniquement, chacun maîtrise son art, notamment au niveau des synthés qui apportent des sonorités nouvelles. D’autres chansons passent plus inaperçues lorsque le potentiel créatif du groupe n’est pas exploité à fond, tout en restant de bonne facture. A l’instar de leurs collègues Beautiful Leopard chez Saiko Records (récents vainqueurs du concours Nouvelle Scène du prix SUISA), les Black Cargoes sont promis à un bel avenir et on se réjouit déjà de vivre leurs prestations scéniques.
- JP, le 5 12 2005