Inclassable, vénéré mais aussi oublié, Florian Fricke (alias Popol Vuh) fut surtout un défricheur acharné d’espaces musicaux. L’histoire le range aux côtés des leaders de la vague kräutrock du début des 70’s qui prévalait alors en Allemagne. Pourtant, Popol Vuh ne ressemble que peu à Can, Neu, Faust ou encore Amon Düül II. L’envie d’expérimenter sans limites un aspect psychédélique de la musique demeure peut-être le seul point commun qu’il partage avec ces artistes. Ainsi, Florian Fricke se situe dans une démarche plus cinématographique et presque mystique : la musique est un moyen d’atteindre une forme de plénitude.
Ses deux premiers opus constituent avec les premiers Tangerine Dream la base de l’expérimentation électronique tendance New Age, en particulier par l’usage du Moog, premier prototype de sampler / synthétiseur. Pourtant, Florian Fricke, qui restera toujours un artiste insatisfait, changera totalement sa démarche de recherche musicale dès 1973. Finies les textures électroniques, place aux instrumentations plus orientales et à l’improvisation. En parallèle s’entame une collaboration avec le cinéaste Werner Herzog, dont la plupart des films seront habillés par les talents de Popol Vuh. « Fitzcarraldo », « Cobra Verde » ou encore « Nosferatu », chaque œuvre de Herzog possède une mise en perspective dramatique qui doit beaucoup aux talents de musicien de l’artiste allemand.
Parmi une pléthore d’albums studio, «Einsjäger & Siebenjäger» reste peut-être l’opus le plus rock dans son esprit, première pierre angulaire d’une trilogie imparable. Guitares électriques, batterie, piano, vocaux féminins (qui deviendront une marque de fabrique), tous ces éléments sont coordonnées à la manière des ragas indiens, structures sonores elliptiques répétitives sur lesquelles se greffent des solos improvisés de toute beauté. Une énergie positive générale se dégage tout au long de l’album, où les solos s’entrecroisent sans fin dans une progression inlassable. La production rend ici pleinement justice au groupe, lui permettant de restituer une musique improvisée world totalement nouvelle à la manière d’un groupe de rock.
Aujourd’hui, il est difficile de retrouver un tel croisement des genres ; Dead Can Dance fut peut-être un cousin relativement proche du pionnier allemand durant les 80’s-90’s. Certains groupes de post-rock revendiquent aussi cet héritage musical (Tarentel pour n’en citer qu’un).
Décédé il y a quelques années, Florian Fricke doit être réhabilité de toute urgence auprès des artistes majeurs de sa génération. Toute son œuvre est actuellement rééditée chez SPV, c’est donc l’occasion rêvée de se plonger dans cet univers sonore unique en son genre.
- runeii, le 2 10 2005