Le microcosme “post-hardcore” recèle toujours plus de clients sérieux et il devient difficile de trier les vraies perles des simples suiveurs. On ose ici poser Isis en tête de liste aux côtés de Neurosis et dans une moindre mesure de Cult of Luna : le hardcore originel de ces groupes s’est tant ouvert aux influences post-rock ou metal qu’ils incarnent de façon brillante l’amalgame réussi entre violence brute et raffinement électrique.
Jusqu'ici, Pelican a été l’un des plus sérieux prétendants au sommet du genre. Un premier album «Australasia» (2003) divinement lourd et abouti plaçait d’emblée le combo de Chicago comme une référence à suivre de près. Aaron Turner, tête pensante d’Isis et boss du label Hydra Head ne s’y était pas trompé en signant le groupe. Pelican créait alors des instrumentaux massifs et majestueux où changements de rythmes et escalades électriques se livraient à un duel fascinant, créant un climat tempétueux dont on ne sortait pas indemne. Plus tard en début 2005, un EP («March into the Sea») confirmait l’excellence du groupe, le titre du EP se voulant encore plus élaboré au niveau de l’architecture sonore (sans oublier l'autre compo, un remix remarquable par Justin Broadrick de Godflesh / Jesu).
On attendait donc beaucoup (et peut-être trop) de ce nouveau «The Fire in our Throats…», où on retrouve clairement l’intensité sonore de Pelican : les guitares s’emmêlent peu à peu, de plus en plus massives, pour nous amener à un décollage progressif («The End of Winter»). Après ces premières escalades vertigineuses et des redescentes tourbillonnantes, les titres s’enchaînent avec l’impression de plus en plus forte qu’ils se ressemblent et se noient les uns dans les autres. Excepté pour « March into the Sea », divinement abouti et qu’on connaît du précédent EP (mais amputé ici de sa partie finale plus atmosphérique), on a l’impression que le groupe se répète terriblement. Enfin, autre point noir, les rares tentatives plus atmosphériques et surtout acoustiques tournent vite au quelconque, voire à l’amateurisme. C’est comme si notre pélican préféré s’élançait haut dans le ciel pour peu à peu se désintégrer.
Où est donc passée cette cohérence qui faisait la force des premiers opus ? On sait que Pelican souhaitait avec ce disque exprimer une énergie et des sentiments plus positifs. A l’écoute de ce « The Fire in our Throats… », on espère vivement un retour rapide du côté obscur ; ce serait dommage qu’on doive enterrer trop tôt ce drôle d’oiseau.
- runeii, le 2 10 2005