L’expérience Isis ? C’est un flot tumultueux de lave qui vous noue les tripes et vous laisse asphyxié, pendant que votre cerveau, fasciné, dérive face à une beauté inhumaine. Il s’agit bien ici d’une musique que l’on ne peut vivre qu’entièrement, sans attaches possibles ni un quelconque pied-à-terre. Sur « Panopticon », sorti en fin d’année 2004, la base musicale du groupe dérive de plus en plus à l’horizon, îlot lointain mais résistant. Ce penchant hardcore élaboré, partagé par des groupes comme Neurosis et Cult of Luna, émerge sous forme de riffs lourds et tempétueux aux acmés de ces 7 titres (entre 7 et 10 minutes chacun). Et le « chant » de Aaron Turner, entre rugissements et mélodie, nous rappelle bien vite qu’Isis reste un animal violent.
Mais que serait la tempête sans un avant annonciateur d’angoisse et un après apaisant ? Ainsi, entre ces accès de furie maritime, les guitares en échos et les samples célestes (« So did we », « Altered Course ») se font tour à tour aériens, lumineux, évoquant d’autres sphères parfois mélancoliques ; on dérive alors en plein territoire post-rock, les signaux lointains de Godspeed You Black Emperor parfois à l’horizon. On se laisse emmener par les rythmiques plutôt lentes, répétitives et telluriques (« Grinning Mouths »), le corps entraîné par ce courant qui se fait tour à tour apaisant et hypnotique, puis peu à peu tourbillonne et nous fait perdre agréablement conscience. Cet engourdissement nous amène vers le large, et l’on se réveille alors secoué, au cœur des lames de l’océan en fureur.
Bien plus qu’un groupe de post-rock supplémentaire, Isis atteint ici le juste équilibre entre des bases métal / hardcore et des plages atmosphériques instrumentales de haute qualité. « Panopticon » poursuit ainsi la voie d’« Oceanic » avec une maestria encore plus impressionnante. L’alchimie est faite entre l’émotion brute et l’élaboration à un niveau plus mental ; on en attend avec impatience la prochaine confirmation sur scène.
- runeii, le 16 05 2005