Pour ceux qui auraient raté le début, Melatonin est un collectif de 5 musiciens lausannois créé en 1998, fort d’une solide expérience live et de 2 précédents EPs. Leur premier album ici chroniqué reflète l’ensemble des orientations musicales du groupe : une base résolument rock où s’affrontent guitares, basse et batterie, des textes en français le plus souvent revendicateurs, des influences à rechercher tant du côté du punk rock (un peu) que de Noir Désir (passionnément). Le résultat s’avère techniquement impressionnant, tant au niveau de la maîtrise du sujet (preuve que l’expérience live est un gage de résultats) que de la production, assurée par le groupe lui-même et de haute qualité.

Et le contenu me direz-vous ? Et bien après s’être fait giflé d’entrée par « Les yeux ouverts », sorte d’hymne imparable à notre société bienveillante et égalitaire (!), la pression retombe un peu, même si le train reste lancé à plein régime sur ses voies. On se réveille au milieu du thiéfainesque « Délire d’équilibriste en position fœtale », plus noir que la nuit, qui exprime sans échappatoire nos lâchetés humaines et notre mal de vivre. On remarque alors que le groupe est capable de moduler les ambiances avec brio. En particulier avec « Absente » et « En silence » : les guitares électriques sont rentrées, les structures acoustiques parfaitement maîtrisées, le tempo ralenti, ce qui laisse une grande place aux nuances et au vague à l’âme du chanteur. « Les fondation s’écroulent » incorpore quelques bidouillages électro et un phrasé-parlé du meilleur effet : le groupe s’extrait alors de la facilité et trouve une réelle identité musicale, entre textes impitoyables sur la nature humaine et angoisses existentielles, l’électricité mêlée de sons d’autres univers.

Melatonin est donc au carrefour de plusieurs voies avec « Alternatives » : le bagage lyrique, technique et musical du groupe permet de s’aventurer dans des recoins improbables qui surpassent et font éclater le carcan rock/punk-rock traditionnel (territoire dans lequel le groupe maîtrise son sujet mais cède aussi à la facilité). On souhaiterait ainsi encore davantage de prise de risque ; de même, une pointe d’oxygène et de lumière dans les lyrics désespérés ajouterait aux contrastes. Tous les ingrédients sont là pour un prochain album (prévu cette année) qui risque d’être une pleine réussite.

- runeii, le 16 03 2005