C’est l’histoire d’esthètes qui vénèrent les origines d’un genre qu’on dit bien souvent moribond, le rock, oui, ce truc à guitares qui s’essouffle avec les années et qu’on essaye de raviver à chaque rentrée. Et puis c’est aussi un talent pour les chemins de traverse, les surprises du chef, le tout l’air de rien et sûr de son talent.
Pontiak, c’est son nom. Un antidote à la redite des plans usés jusqu’à la corde, quelques clins d’œil à un âge d’or (Jim Morrison, Black Sab’) et la prédominance du gros son, du live –tout est directement enregistré en première prise, du Steve Albini élevé aux hormones-.
Ce troisième album contient tout cela, et comme son prédécesseur Sun on Sun reste un invité surprise des meilleures sorties de 2008, on était en droit d’attendre que les trois frangins Carney nous décrochent en tout cas la lune.
Ce qu’on dira, c’est que malgré la folie de sa construction et les éclairs de lucidité qui s’en dégagent, Maker rend ardue toute tentative d’apprivoisement. On y compte pour la moitié des titres expédiés sous la barre des deux minutes et qui mériteraient davantage de développement. On reste effarés face aux assauts soniques à la limite de la perte de contrôle (les guitares hurlantes de "Headless Conference"), du Sonic Youth sans garde-fous, avec pour premières victimes les deux amplis de Van Carney grillés durant l’enregistrement. Et on se fait aussi clairement ch... sur un titre éponyme de passé douze minutes, qui tourne en rond sans aucune fin en soi, si ce n’est asticoter jusqu’à l’épuisement un groove stoner pas renversant.
Si le paysage de Sun on Sun évoquait la grâce du désert et ses ombres, Maker est constitué de roc(k) brut, caillasse malaxée et concassée en différentes formes tranchantes, un peu entre Shellac et Ocean. Quelques bulles d’air bienvenues ("Aestival") et de psychédélisme aveuglant ("Blood Pride") le rendent pourtant attachant, les rencontres avec le sludge (le riff béton de "Honey") ou le grunge ("Laywayed") ouvrent des voies plus qu’intéressantes. Mais on était en droit d’attendre davantage de ce groupe au gros potentiel, presque trop farouchement obnubilé à décimer les catégories établies. Si Maker n’est ainsi pas le coup de poing espéré, il restera heureusement et de belle manière un challenge salvateur pour le rock.
Thrill Jockey offre les onze titres en streaming ici.
- runeii, le 21 04 2009