Dans nos contrées, Goran Bregovic est surtout connu pour ses musiques de films, notamment depuis sa collaboration avec le réalisateur Emir Kusturica. Ainsi, on lui doit la BO mythique d’Arizona Dream (feat. Iggy Pop), mais aussi celles du Temps des Gitans, d’Underground et de Chat Noir Chat Blanc, et dans un autre registre, celle de La Reine Margot réalisé par Patrice Chéreau. Compositeur d’origine yougoslave, il s’inspire des musiques traditionnelles des Balkans et puise autant dans son passé de rock-star que dans des influences classiques et même religieuses pour imposer un style hybride inimitable qu’il diffuse tout autour de la planète.
Goran Bregovic sort donc le premier volet de son nouvel album Alkohol, sous-titré Sljivovica . Pour information, ce mot imprononçable pour tout individu dénué de talent linguistique balkanique désigne un alcool de prune yougoslave, accessoirement il paraît que Goran ne boit que sur scène et par ailleurs, le second volet sera intitulé Champagne. "Yeremia", la première piste, air traditionnel, s’ouvre sur un cri du cœur : « ALKOHOOOOOOL ! » et on l’aura parié, fait honneur à la fièvre, dansante, frénétique et spontanée. Les cuivres y sont omniprésents en mode fanfare, les percussions leur répondent, il chante, en alternance avec sa chanteuse fétiche à la voix reconnaissable par mille. Tous les deux s’en donnent à cœur joie sur "Truckers’ Song", qui n’est pas sans rappeler l’époque débauchée de "Pitbull" et de "Kallasnikov", qu’on retrouve à la fin du disque dans une nouvelle version. Et on enchaîne comme au bon vieux temps sur "Gas Gas", remixée pour l’occasion, car Goran est un homme qui vit avec son temps. En principe, l’effet antidépresseur est garanti et les doigts de pieds doivent même frétiller depuis belle lurette. Les fatigués peuvent se reposer sur "The Back-Seat Of My Car" ou zapper jusqu’à "Ruzica", chanson à boire encore, au nom de la petite fêlure qui vient souvent apparaître au beau milieu de l’agitation.
Evidemment, toujours pour les mêmes lacunes linguistiques, on n’y comprend rien, mais du moment que ça palpite ça n’est pas grave et puis de toutes façons, l’alcool aide à comprendre les langues slaves…
- Sarah Despoisse, le 2 03 2009