1975
Rock
Quand on se penche sur la discographie du fantasque Canadien, il faut s’accrocher, surtout pendant la période noire qui va de Time Fades Away (1973 - jamais réédité) à On the Beach (1974 - ressorti il y a peu), pour finir avec Tonight’s the night, commercialisé finalement en 1975, après avoir été refusé en 1974 par Reprise Records. Cette année-là , Neil Young avait enregistré un album intitulé Chrome Dreams, mais au dernier moment décida de sortir Tonight’s the Night à la place, au nez et à la barbe de sa maison de disque. Aux dernières nouvelles, Chrome Dreams aurait péri dans un incendie mais avec Neil Young il ne faut jurer de rien...
Fin de la trilogie maudite, Tonight’s the Night coïncide avec la mort de Bruce Berry, roadie du groupe, décédé par overdose peu de temps après le guitariste Danny Whitten, qu’on retrouve au chant sur "Come on Baby Let’s Go Downtown", tiré du Live au Fillmore East (qui ne sortira officiellement que 30 ans plus tard). Ce disque leur est d’ailleurs dédié.
Tonight’s the Night est un suicide commercial, un refus du music business, en même temps qu’un exorcisme de tous les démons du Loner : drogue, alcool, mort, et surtout une immense lassitude qui transparaît à chaque minute de cet album. Exit l’entrain naïf de "Heart of Gold" (c’est pas plus mal!), mais aussi exit la créativité : Tonight’s the Night est le témoignage d’un artiste en panne d’essence qui ne semble plus croire en rien, totalement désabusé.
L’ « avantage » des albums torturés, c’est de pouvoir exprimer une douleur sans concession et sans tabou, de la transcender par la musique. Ici, on ressent plutôt un vide intersidéral, et davantage une absence d’émotion qu’un surplus – le purgatoire avant les flammes de l’enfer en quelque sorte. Abruti par les drogues et désenchanté de tout, Neil Young n’a peut-être jamais aussi mal chanté (la voix nasillarde de la chanson titre, celle cassée de "Mellow my mind"…), et les instrumentations sont souvent réduites au minimum vital.
Faire de bonnes chansons ou toucher son auditoire semble le cadet de ses soucis : Tonight’s the Night est profondément autiste, reflétant ce côté ultrasolitaire de la personnalité du Loner. Bien sûr, il suffit pafois qu’un grand du rock commette un suicide commercial (façon Metal Machine Music de Lou Reed), ou se complaise sans retenue dans sa misère pour que certains crient au génie, et d’ailleurs beaucoup considèrent cet album comme un pur chef d’œuvre. Alors oui, Tonight’s the Night est un album honnête, fidèle aux humeurs du Canadien, mais dans l’ensemble, il reste difficilement accessible, musicalement assez pauvre à de rares exceptions près, et… pas très émouvant finalement, contrairement à On the Beach ou même plus récemment Sleep with Angels.
- JP, le 20 09 2007
Réactions
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Chico 01, le 7/04/2008
Alors là J.P, je ne suis pas du tout d'accord sur la prétendue "médiocrité" de ce superbe disque ! O.K, il est glauque, sombre, c'est un véritable suicide commercial surtout après le succès de "Harvest". O.K "On the beach" est un bijou. Mais je ne trouve pas "Tonight's the night" "difficilement accessible" (pas plus que les autres que tu as cités), ni "musicalement pauvre". Au contraire de ce que tu as ressenti, je le trouve très émouvant, véritable sommet créatif à la beauté malade.
Perso, je le place au même niveau que "Zuma", "Harvest", "On the beach" et "Arc-Weld" dans mon panthéon Neilyoungien !! Avec un artiste aussi énorme, j'aurais pu en citer d'autres tellement sa carrière est impressionante ! Bien sûr, tout ceci reste subjectif. C'est vraiment une question de sensibilité, de rapport qu'on a avec ces disques ! Respect malgré tout car si je ne partage pas ton avis, ton analyse a le mérite d'être argumentée et je sens l'amateur, le fan du Loner ! A plus !!!
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runeii, le 2/10/2007
Hum. Le Sto, je sais pas ce que tu avances par composition de "qualité". Si c'est au niveau des arrangements, finitions et fioritures, ok, On the Beach surclasse Tonight's mais pour moi ce n'est de loin pas un gage de qualité d'ensemble.
Tonight's dégage quelque chose d'urgent, de brut et mal fini, noir bien sûr, et c'est ce qui fait justement son charme. La classe d'un Neil Young, c'est beaucoup pour moi dans sa simplicité que je la trouve, à la manière d'un Cohen sur ses trois premiers albums, ainsi On the Beach serait plutôt le de Neil Young. Certains crieront au scandale, mais pour moi hormis le top niveau de "Ambulance Blues" et de la chanson éponyme, "On the Beach" n'est pas du bon Neil Young.
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Le Sto, le 2/10/2007
C´est assez étonnant de voir que lorsqu´on n´a pas le même avis que vous, c´est qu´on n´a même pas écouté le disque et qu´on n´y connait rien à la musique!!
Je partage l´avis de JP, je n´aime pas trop ce disque que je trouve moyennement inspiré, musicalement parlant. Quelques bons titres néanmoins...
Runeii, en ayant ré-écouté Tonight´s et On the Beach récemment, je suis de l´avis opposé, si qques titres sont effectivement moyens, je ne trouve pas l´ombre de la qualité de "See the Sky About to Rain", "On the Beach" ou "Ambulance Blues" sur Tonight´s the Night.
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Paul, le 1/10/2007
A ce demander si vous avez réellement écouté ce disque, l´écriture de Neil Young tutoie la perfection et ce disque dépasse largement les niaiseries qu´il avait fait lors d´Harvest. Il suffit d´écouter Albuquerque ou Lookout Joe pour se voir confirmer le statut de mythe de Tonight´s the Night!
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runeii, le 21/09/2007
Tonight is the Night a beau ne pas briller de mille feux comparativement aux autres albums de Neil Young, je trouve par contre qu'il a nettement mieux vieilli que beaucoup, notamment "On the Beach". Je ne suis pas expert du sujet, mais j'aime bien cet album issu des tripes de son auteur, qui malgré la gravité de sa naissance, joue de son côté minimaliste et offre quelques hymnes mémorables (Albuquerque, World on a String). Même si ce n'est pas son chef d'oeuvre, attention à ne pas le sous-estimer !