Autant le dire tout de suite, l’expérience “All Harm Ends Here”, c’est se retrouver plongé sans crier gare au coeur d’une forêt noyée dans la brume : on rencontre des ombres et des lueurs vacillantes, furtives, toujours insaisissables. Cette perte de tous repères peut être à priori un peu désagréable : on peine à s’accrocher à une ligne mélodique claire, perplexe devant ces chansons à priori sans structure. Le territoire exploré ressemble aux peintures impressionnistes de L’Altra, mais dans une tonalité rock.
Ce jeu avec nos perceptions reste typique de chacun des albums du groupe, qui privilégie les ambiances cotonneuses et empreintes de mystère pour mieux nous attirer dans ses filets. Cet opus (le 4ème en autant d’années) ne déroge en rien à la règle. Et comme auparavant, c’est après de nombreuses écoutes que la lumière entre et rend les contours moins flous, ravive les couleurs.
Les échos lointains de guitares, qui s’entrecroisent en de fines lignes mélodiques parfois complexes, ne font rien pour nous orienter ; de même avec le chant de Daniel Burton, qui chuchote, rêveur et mélancolique. On se laisse donc doucement ensorceler (« We know in part » ou « Townes », titres que l’on peut rapprocher des premiers Red House Painters). La nouvelle section rythmique est davantage mise en avant et privilégie souvent les cadences syncopées, improbables (ceci dès le lumineux « Errance », qui ouvre l’album, ou dans les nappes statiques de « The Purest Red »). On repère aussi de nouvelles voies d’évolution futures (« All harm » est plus carré et direct). On reste aussi un peu dans la redite d’albums précédents, comme si le groupe se posait pour faire un bilan de ses premières années de vie.
Early Day Miners signe en fin de compte un très bel album, qui nécessite du temps pour être pleinement apprécié. Néanmoins, on conseillera plutôt « Jefferson at Rest », plus novateur, qui reste à ce jour inégalé dans la discographie du groupe.
- runeii, le 25 03 2005