Méchant tout en demeurant finement ciselé de cordes folk, habillé d’atours suffisamment généreux pour suggérer une certaine innocence, Lag est un vrai piège. Enfin disponible en Europe via 5ive Roses [Absinthe (provisoire), Crèvecoeur, Uzi & Ari], ce premier disque de Katamine (déjà sorti l’an passé aux USA et au Japon, produit en 2005) se révèle foutrement bien construit, choisissant sans hésiter l’asphyxiante plongée en eaux troubles, entre jeu de faux semblants et cauchemars en gestation. Et tout cela l’air de rien, même si la pochette au graphisme franchement malsain l’annonce bel et bien : larmes, coups et ecchymoses au menu.
L’âme et le souffle de Katamine se nomme Assaf Tager, Américano-Israélien formé en Angleterre puis de retour au pays natal. A la fois mâtinée de bourbon, écorchée vive et fragile, cette voix est plus proche des accents propres à Seattle, ceux de Mark Lanegan, mais aussi de Kurt Cobain. L’univers de Tager se relie par contre bien davantage à celui de Michael Gira en ce qui concerne ses textes, poésies suspendues dans l’attente d’un dénouement fatal, secrets de famille glauques et mal-être blafard. Et l’ancien des Swans mise beaucoup sur lui par ailleurs.
Parfois justement comparé aux explorations nocturnes d’un Mark Lanegan à ses débuts (notamment sur le splendide et minimaliste The Winding Sheet), ce Lag distille sans qu’on y prenne garde son venin, tantôt mélancolique, tantôt angoissant. Derrière l’omniprésente trame acoustique de la guitare de Tager, l’usage de samples presque imperceptibles en arrière fond permet de suggérer et souvent d’inquiéter via d’étranges frottements et glissements, tous d’origine inconnue.
Malgré ses aspects sombres et le mystère qui l’entoure, Lag reste très humain dans son approche et, étonnamment, plutôt facile d’accès. Il ose l’exploration de ces zones nouvelles avec une certaine dextérité et sait les rendre lumineuses. Et juste comme ça pour terminer et dire que Assaf Tager c’est loin d’être le premier plouc venu, précisons qu’il a partagé la scène d’Elliott Smith, de Devendra Banhart et jammé avec la divine Beth Gibbons.
Quatre titres en écoute sur le site officiel, et d’autres ici.
- runeii, le 21 08 2007