Les amateurs de folk traditionnel et de country se doivent absolument de découvrir cet artiste particulier et talentueux - Matt Ward, qui, en plus d’être un guitariste hors pair, possède une voix unique en son genre, évoquant des légendes comme Willie Nelson ou Tom Waits. Enregistrée début 2005, la musique proposée a quelque chose d’intemporel et d’authentique, écouter ce disque cette année ou dans dix ans, il ne prendra pas une ride.
Le son est très brut, légèrement poussiéreux, la guitare acoustique est rugueuse, la batterie est métallique, la voix de M Ward lui-même est pleine d’aspérités. On entend ça et là un piano discret, ainsi que quelques collaborateurs comme Vic Chesnutt, Jim James (My Morning Jacket), Conor Oberst (Bright Eyes), qui restent en arrière-plan. La production lo-fi laisse la place aux grattements et rend très bien cette ambiance radio d’époque. «One Life Away» restitue cette atmosphère à la perfection, la voix lointaine de Ward et sa façon de chanter évoque les années 30 et des artistes comme Jimmie Gordon, bluesman mystérieux dont il ne nous reste que quelques vieux 33 tours et 2-3 photos floues.
Plusieurs des morceaux sont de ces chansons destinées à être chantées, avec des refrains entêtants qui sonnent comme des reprises de chants traditionnels, dont les auteurs se seraient perdus dans la nuit des temps (le très acoustique «Radio Campaign» et le rock’n’roll de «Big Boat» par exemple). Les paroles sont faciles à comprendre, ajoutant encore au côté immédiat et éminemment rafraîchissant de l’oeuvre. «Four Hours in Washington» illustre magnifiquement tout ça, avec ses paroles elliptiques («One hour in the morning... », «Two hours in the morning», etc.) rendant à la perfection la tension de l’insomniaque, jusqu’à l’exaspération qui se traduit par un déluge de batterie et de guitare saturée dans un délicieux bordel.
«Transistor Radio» comporte de courts morceaux instrumentaux, comme «Regeneration #1», une guitare acoustique rythmique et une autre électrique sur un rythme de batterie rapide. C’est tellement bon qu’on regrette que Ward n’en ait pas fait une chanson. «Well-tempered Clavier» est une saisissante adaptation à la guitare de l’oeuvre classique pour piano de Bach.
Plus qu’un simple hommage à une époque révolue, «Transistor Radio» est un disque simple et gratifiant, privilégiant l’émotion, qui semble se moquer des modes et venir d’un monde parallèle où le temps se serait arrêté. La guitare et la voix de M Ward puisant dans toutes les traditions folk/country américaines se complètent à merveille. Proche du blues dans l’esprit, cet album est finalement assez enjoué et plaît tant par son côté ludique que par la qualité de ses compositions.
- JP, le 6 07 2005