Voici l’un des groupes phares de la scène rock indé américaine, au niveau de la créativité hybride, tel un Califone (aussi de la même génération) : Yo La Tengo (que tient-il? Mystère…). Actif depuis plus de vingt ans, ce trio n’a jamais été un gros vendeur (on s’en fout…), mais compense par ses prolifiques productions, souvent encensées par la critique. Succès d’estime, donc, pour une musique rock mutante qui va de l’avant et part à l’aventure disque après disque.
Son dernier opus, I’m Not Afraid of You and I’ll Beat Your Ass, impressionne d’emblée en ce qui concerne sa durée et le grand nombre de titres qui le compose ; le tout étant assorti d’un éclectisme bienvenu. Ce qui touche assez, comme en filigrane, c’est la cohérence orchestrale et la symbiose des trois membres du groupe (Ira Kaplan, Georgia Hubley et James McNew), connus aussi pour leur répertoire inépuisable de reprises (un best-of de celles-ci est d’ailleurs sorti récemment sous l’intitulé Yo La Tengo Is Murdering the Classics).
Le morceau introductif, long périple à l’aridité cyclique, retient l’attention par la qualité des distorsions choisies ; une osmose sonore à faire saliver. Avec subtilité, le chant reste légèrement en retrait et se fond on ne peut mieux dans la déferlante électrique. Suit un titre plus pop ; «I Feel Like Going Home», aux arrangements de cordes bien senties, est l’une des perles que cache cet album. Puis, la formule ups and downs se précise, avec le délirant «Mr. Tough», qui sonne proche d’Architecture in Helsinki – pour les cuivres rigolards.
Arrive un vrai petit bijou, «Black Flowers», plein d’émotions d’une justesse estomacante, sans sombrer dans le pathos. Quelques accords au piano, une montée de cordes-cuivres à la progression millimétrée, pour asseoir un verbe cristallin: «You can take what you can get / I forgive but I forget (…) My dream was just to dream again». Les références prennent de l’ampleur à l’écoute de «The Room Got Heavy», morceau électro-pop aux touches new-wave. L’atmosphérique pointe le bout de son nez avec «Daphnia» ; là encore, Yo La Tengo convainc.
Arrêtons-nous ici dans l’énumération des titres à distinguer, car finalement, tout est bon le long de ces quinze plages – bon…oui, au moins, mais souvent bien au-delà. Cette exception de longévité se démarque ainsi d’une kyrielle de suiveurs, branchés éphémères, de loin pas aussi créatifs, à qui Yo La Tengo botte le cul d’une manière fort explicite. C’est le bon bout que le groupe tient et ce d’une façon qui n’avait jamais paru aussi évidente.
[Deux morceaux à télécharger ici]
- yak, le 16 04 2007