Lorsqu’un label culte comme Warp, aussi habitué à dénicher d’authentiques talents (Aphex Twin, Boards of Canada, Autechre, Animal Collective…la liste prendrait des pages) – toujours en phase avec son temps et n’appliquant aucun sectarisme dans ses choix – annonce fièrement que ce Yellow House est potentiellement un classique ; a priori, on fait confiance.
Cela va peut-être vous surprendre, mais très vite, on s’aperçoit qu’on n’a pas eu tort du tout. Le chanteur Ed Droste et sa bande s’avèrent incarner des arrangeurs à la finesse que n’égale que leur perfectionnisme. Ainsi, partant d’une formule folk-pop classique, Grizzly Bear va s’égarer pour notre plus grand bonheur dans une quête formaliste, franchissant les barrières qui isolent souvent les pro-mélodies des amateurs d’atmosphère. Ici, ces deux dimensions vont se côtoyer, le long d’un chemin hanté de mélancolie et éclairé d’harmonies vocales du type Beach Boys, en moins fun et plus nostalgiques.
Les différentes strates d’instruments acoustiques (guitares, banjo, basse, batterie), de chants et des divers bricolages numérisés ont d’ailleurs été mises sur pistes dans la maison (jaune) de la mère du chanteur. D’où l’impression omniprésente d’une forme de nostalgie réconfortante sublimée par les compositions audacieuses du groupe. Pour l’anecdote, le titre «Marla» est initialement une valse qui avait été composée par la grande tante d’Ed Droste en 1930. Une affaire de famille, donc…
Il serait un peu vain de dégager les meilleurs titres de l’album, tant ce dernier est homogène et constitue une œuvre à part entière. Aucun morceau ne fait office d’intrus. Le lancinant «Plans», chanson en 3 / 4 aux couleurs contrastées, à la fois sombres et lumineuses – un peu dans le style de Beirut ou de Matt Elliott – se démarque par le sortilège qu’offre sa beauté implacable. Mentionnons aussi le très riche et changeant «On a Neck, On a Spit», où les détails des arrangements et le mix de différentes humeurs sont maîtrisés à leur plus haut point.
Voici donc un disque qui, en cherchant bien sûr à rester le plus objectif possible (comme toujours…), ne navigue pas loin du sublime. Un des tous grands albums de l’année 2006.
[Quatre titres en écoute sur leur espace]
- yak, le 29 01 2007