The Good Son est l’album de l’exil : Nick Cave fuit les excès de Berlin pour y respirer mieux à Sao Paulo, Brésil. Malmené par les drogues et les multiples overdoses, habitué des cliniques, l’Australien a besoin d’air.
Sa discographie suit exactement le même chemin ; tout a été dit depuis les prémisses de The Birthday Party jusqu’à la reconnaissance de Tender Prey, une icône post-punk est désormais clairement établie dans le paysage musical des eighties. Quelle(s) nouvelle(s) voie(s) se profilent ?
Le sentiment de vide après les turpitudes, la solitude loin des siens et l’envie de les rejoindre : rien ne définit mieux la saudade propre aux brésiliens, sentiment de mélancolie qui au final transpire dans chacune des chansons de The Good Son. «Come sail your ships around me, and burn your bridges down» ; amarres larguées, «The Ship Song» prouve que Nick Cave peut créer la sérénade amoureuse parfaite, sans pour autant se compromettre et perdre de sa superbe. L’humeur est plutôt bleue-violette, Nick Cave fait son Elvis au piano, merci au jeu de cordes astiquées par Mick Harvey qui transportent ce disque sur toute sa longueur. Presque exempt de coups-de-sang, The Good Son explore de nouveaux pans affectifs intimistes ("Sorrow’s Child" ; "Lucy"), met en scène des dialogues père-fils ("The Weeping Song", dont le rôle du père est tenu par le gratteux Blixa Bargeld) et quête de nouvelles racines (le gospel "The Witness Song" et l’hymne "Foi Na Cruz"). Une introspection dont les précédents opus, plus sombres, étaient exempts.
Un état poétique émerge ainsi de la souffrance, transcendée non plus de manière épileptique, mais ici mue par le désir de (se) retrouver, méditer sur ce qui a été perdu. Le talent littéraire de Nick Cave rend possible une telle opération ; conteur d’histoires, lui-même en écrit ses propres pages par la paternité et la vie de couple. Disque d’une réelle renaissance, The Good Son demeure un joyau acoustique de pop douce-amère, endimanchée d’une sensibilité folk nouvelle. A juste titre, il préfigure une nouvelle ère dans la carrière des Bad Seeds. Indispensable.
- runeii, le 3 12 2006