Une année après avoir radicalement changé de cap avec un Drinking Songs qui portait d’ailleurs fort bien son nom, l’artiste que l’on avait découvert à la fin des années ’90 avec sa Third Eye Foundation revient avec un lot de nouvelles «chansons défaillantes» qui, dès le premier morceau, se révèle être une sorte de grand frère du précédant album. Si ce dernier sonnait comme une collection de chansons de marins et avait pratiquement totalement laissé de côté les bidouillages électroniques (sauf sur un mémorable dernier titre), on constate, légèrement déçu, qu’ils se font encore plus rares sur ce nouvel opus. L’ambiance est par contre toujours aussi mélancolique. La guitare acoustique est omniprésente, le rythme est en 3/ 4, quant à la voix, elle se démultiplie – cet overdubing de chants de fréquences antagonistes recrée ainsi de manière assez saisissante l’émotion transmise par…un chœur des pays de l’est. Pour être parfaitement exact, aurait-il fallu dire «un chœur de fantômes» ? Sans délirer, ce gars là a vraiment l’air de mettre son corps à la disposition de toute une bande d’esprits bloqués ici bas… Ceux-ci vont ainsi nous insuffler des mélodies très inspirées du folklore slave (Gulag Orkestar de Beirut n’est pas loin), parfois grecque ou hispanique (sur «Good Pawn»).
Le chanteur est soutenu par la violoniste Patricia Arguelles Martinez et Chris Cole à la batterie. Ce dernier, multi instrumentiste qui officie également dans le cadre d’un projet personnel sous le pseudonyme Many Fingers, nous fait part de son talent dans le prenant et explosif final du morceau «Desamparado», sur lequel on peut aussi retrouver toute la dimension chaotique qui faisait la touche particulière de Third Eye Foundation. Non pas que Matt Elliott se soit rangé ou assagi, mais sa colère toute retenue (clairement présente dans les paroles) et la tristesse qui tend vers un désespoir total dont on n’échappe jamais, rendent ce disque peut-être un peu trop…oppressant, après quelques écoutes et selon l’humeur.
En tout cas, on semble s’être définitivement éloigné de la drum’n’bass des débuts ! Pourtant, en live, Matt Elliott ne l’a pas complètement abandonnée et prend un malin plaisir à déstabiliser l’auditeur en prolongeant ces morceaux par une progression de beats tordus dont il a le secret et ce jusqu’au bouquet final, à la limite de l’audible. Cela ne fait aucun doute, cet artiste au parcours atypique mérite qu’on continue à le suivre, il se peut qu’il en surprenne encore plus d’un !
- yak, le 3 11 2006