Enfermé dans une cave obscure, le fils spirituel du Loner voulait retourner à ses albums plus expérimentaux comme Pyramid Electric Co. ou Protection Spells, en enregistrant lui-même ce disque en 3 jours avec très peu de moyens. Le but était de retranscrire en une trentaine de minutes toute la noirceur de la dépression et du désespoir, un peu comme le premier album à vif de Polar.
Accompagné de sa seule guitare, Jason Molina fait dans le minimalisme, en utilisant très peu d’accords différents, très peu de paroles aussi. La réverbération utilisée par moments sur la voix donne l’impression de sortir d’une crypte. Quelques notes de piano ainsi que des percussions discrètes brisent un peu la monotonie de cet album aride. Les paroles ont un rythme particulier, avec des répétitions qui rappellent parfois le blues ("Alone with the Owl"). Le parallèle avec ce genre musical ne s’arrête pas là, il est aussi applicable à la démarche artistique de cet album, rappelant l’extrême détresse dans laquelle vivaient certains pionniers du country blues des années 30, capables de sublimer leur douleur en chantant avec une guitare qu’ils avaient souvent bricolée eux-mêmes.
On est très loin des riches instrumentations de Magnolia Electric Co., groupe principal de Jason Molina, et c’est là tout l’intérêt de cet album solo dédié à un univers bien précis, à la manière de Ghost Tropic, voyage étouffant sous les tropiques, l’un de mes disques préférés de Songs: Ohia (l’ancienne mouture de Magnolia Electric Co.). Disque claustrophobe et insulaire, Let me Go Let me Go Let me Go représente une pause dans les albums très mélodiques et fouillés de Magnolia Electric Co., retournant à un certain minimalisme. Cet album a le mérite d’explorer jusqu’au bout le monde de la dépression, de le rendre palpable, avec quelques lueurs d’espoir ça et là. L’un des disques les plus sombres de la nébuleuse Molina, de loin pas le plus inintéressant, mais à réserver aux initiés.
- JP, le 15 09 2006