Un premier album porte toujours en lui les germes de la carrière à venir ; ce premier opus sous le nom de Nick Cave & The Bad Seeds n’y fera pas exception. Damnation et rédemption sont les thèmes religieux qui obsèdent Nick Cave depuis toujours, From Her to Eternity en sera une première ébauche vive et contrastée. Musicalement ensuite, avec une garde rapprochée constituée de Blixa Bargeld des Einstrürzende Neubauten, Mick Harvey des Birthday Party, Barry Adamson de Magazine ou encore Hugo Race de The Wreckery, les étincelles de ces esprits novateurs mettront rapidement le feu au poudres.
C’est l’ «Avalanche» de Leonard Cohen qui a l’honneur de recevoir le premier le traitement de choc qui lui est réservé ; influence majeure de Nick Cave, ses vers prennent un sens encore bien plus menaçant. On remarque que le post-punk des Birthday Party résonne toujours derrière les exorcismes de l’Australien ; plus maîtrisés, les assauts en restent pourtant soniquement intenses : «Saint Huck» (devenu par la suite un classique du répertoire live des Bad Seeds) ou «Wing off Flies» cultivent les penchants de Nick pour la limite et le point de rupture, dans la droite lignée artistique de l’avant-garde Berlinoise des années 80.
Autre facette étonnante, la reprise d’Elvis Presley («In the Ghetto») accompagné de sa face B («The Moon is in The Gutter») dévoilent le crooner qui resplendira par la suite sur The Good Son ou les œuvres de la fin des années 90. Ces moments de sombres ruminations contrastent judicieusement avec les compositions plus tourmentées, preuve que le jeune punk sait se fondre dans de nouveaux atours et possède un solide bagage musical. L’exercice des reprises constituera d’ailleurs une marque de fabrique du groupe, au point d’y consacrer un album entier (Kicking against the Pricks).
Album flamboyant et encore brut, From Her to Eternity, à l’image de sa chanson éponyme, jette les balises d’un univers musical pas toujours facile à appréhender, mais d’une sincérité absolue. Tant les textes (en majorité autobiographiques) que les instrumentations (bruitistes et radicales) mettent en avant un potentiel énorme à exploiter, ce que Nick Cave s’empressera de faire dès les opus suivants. Nul autre album en revanche ne possédera un tel sentiment d’urgence, ainsi que cette brutalité de velours.
- runeii, le 12 09 2006