Townsend, Devin > Ocean Machine : Biomech

Ocean Machine : Biomech
1997
Notation
Rock   Metal

J’ai écouté beaucoup de disques dans ma vie, mais rares sont ceux que j’ai repassés aussi souvent que cet Ocean Machine, et ce malgré sa longueur (plus de 70 minutes!). Devin Townsend a tout du génie, pas au sens où l’entendent certains magazines qui en citent 3 nouveaux chaque semaine, mais le vrai génie, celui qui se situe à l’extrême limite de la folie furieuse. Devin a enregistré beaucoup d’albums de qualité, dont l’ultraviolent City avec son groupe Strapping Young Lad, mais Ocean Machine restera comme un classique épique, une explosion de créativité qui pulverise les frontières du metal.

Si City est ce qui se fait de plus violent et de plus rapide dans le métal, Ocean Machine a l’intensité du souffle d’une explosion et trouve l’équilibre parfait entre puissance et mélodie. De plus, pour ceux qui en doutaient, Devin Townsend sait chanter, et ses performances vocales sur Ocean Machine le placent parmi les plus grands dans le monde du metal.

Combien de groupes ont enregistré un patchwork de guitares et de synthés, de choeurs mélodiques couplés à du heavy metal, pour un résultat dépareillé, de mauvais goût? Ici l’unicité de la musique est remarquable étant donné son originalité, rien ne détonne, c’est un mur du son où chaque instrument est à sa place : une batterie très lourde pulse des profondeurs, les riffs de guitare sont autant de vagues qui emportent tout sur le passage, et les voix démultipliées de Devin Townsend sont comme les trompettes du jugement dernier.

Quelques effets de synthé additionnels viennent affiner le tableau, car c’est un disque qui ne manque pas de finesse et de variation : Biomech ne peut être appréhendé qu’en totalité, c’est un trip intense avec une chronologie digne d’un film, débutant par la lecture d’un poème de Tennyson et se terminant par un cri.

La métaphore de l’océan traduit parfaitement la texture et la profondeur du son, l’immersion totale que représente ce disque pour le pauvre petit auditeur sans défense. La chronologie des morceaux traduit une plongée, les 4 premiers sont plus proches d’un heavy metal épique survitaminé, avec des riffs tout simplement énormes et le chant de Devin Townsend aussi hargneux que mélodique, avant d’aborder des territoires étranges, caractérisés par les atmosphériques "Sister" et "3 AM".

C’est le point de non retour, à partir de là, on entre dans un autre monde, les barrières entre les genres se liquéfient peu à peu. Pourtant rien n’est forcé et la musique reste étrangement accessible, directe : "Voices in the Fan" retrouve une batterie couplée à des effets électroniques, des guitares aux multiples échos et la voix de Devin qui flotte, chantant « I’m already gone, goodbye », avant que le morceau ne s’achève après un instant de silence par le sample d’un choeur à deux voix sorti tout droit d’une église. "Funeral" nous prend véritablement aux tripes, montant petit à petit en puissance au rythme des riffs de guitare qui se croisent, avec toujours cette voix si prenante, chargée de rage et d’émotion. Pour ceux qui, par miracle, auraient pu échapper à l’emprise de Biomech, "Bastard" assène le coup de grâce ; ce morceau hypnotique et lancinant de 11 minutes nous plonge définitivement dans un océan de guitares, grâce notamment à quelques nappes de synthé qui donnent encore plus de profondeur à cette marée sonore.

Un tel disque est une expérience unique, quasi physique, renouvelée à chaque nouvelle écoute - il est impossible de faire autre chose pendant qu’on l’écoute Biomech, mieux vaut ne pas l'écouter en voiture ou si vous avez des trucs sur le feu, croyez-en mon expérience... J’ai beau chercher, je ne vois aucun défaut à ce disque, qui se permet en plus de ne pas être pompeux ou prétentieux (pourtant il y aurait de quoi !) - seule la pochette ne fait pas justice au contenu... Recommandé aux amateurs d’émotions fortes et de nouveauté.

- JP, le 5 09 2006

Réactions

par gdT, le 27/01/2007
Excellente et très juste critique !
Il est vrai que Devin porte completement et sublmèrge littéralement. Une telle énergie dans l'écriture des titres tels "Bastard" qu'elle nous est transmise lors de l'écoute...
Magnifiquement transcendant.
Vive Devin.