Big Bill Broonzy est l’un des bluesmen les plus mythiques du folklore américain. Né en 1893 dans le Mississippi, il se contruit un violon à 10 ans avec une boîte de cigares, avant de passer à la guitare, pour jouer dans la rue ou lors de petites fêtes de quartier. Grâce à sa voix, sa sincérité et surtout son jeu de guitare unique en picking, il deviendra populaire assez rapidement. Véritable troubadour, jouant le soir et travaillant la journée soit comme mineur, ouvrier de chemins de fer ou sur les camps de travail, Big Bill finira sa vie à Chicago dans le South Side, où il mourra en 1958 d’un cancer du poumon.
Le présent album à été enregistré en 1951 et 52 à Paris, avec Big Bill à la guitare accompagné à l’occasion d’un piano. Sans doute l’un des disques les plus récents de ce bluesman, c’est un enregistrement exceptionnel, reprenant les plus grands classiques du bluseman ainsi que plusieurs reprises (dont "In The Evening" et "How Long ?" de Leroy Carr).
"Blues in 1890" est le témoignage poingnant d’inondations meurtrières dans le Sud des Etats-Unis, racontant comment des populations pauvres du Mississippi ont perdu le peu qu’il leur restait. Le racisme de l’Amérique du début du 20e siècle est également exprimé de façon très claire dans "Black, Brown & White":
This little song that I’m singing about
People you know is true
If you’re black and gotta work for a living
This is what they will say to you
If you’re white, it’s alright
If you’re brown, stick around
As you’re black, brother,
Get back, get back get back.
D’autres morceaux repris de chants traditionnels sont de véritables témoignages d’un passé pas si révolu et d’une culture très riche ("Down by the Riverside", "John Henry"). Les quelques morceaux instrumentaux nous font découvrir le talent immense de Big Bill Broonzy à la guitare, avec son style bondissant si particulier. Bref, rien à jeter sur ce disque, tout y est, les meilleurs titres de Big Bill ainsi que de superbes reprises, pour une qualité d'enregistrement nettement supérieure à ceux des années 30/40. Ce qui frappe avant tout, c’est l’authenticité de cette musique, profondément ancrée dans la réalité des Noirs-Américains de la première partie du 20e siècle. On sent que ce blues vient des trippes, et que ce sont les conditions de vie particulièrement difficiles de l’époque qui donnent sa force et son sens à cette musique.
- JP, le 13 09 2005