Scott-Heron, Gil > Pieces of a Man

Pieces of a Man
1971
Notation
Jazz/Blues   

Le nom de Gil Scott-Heron n’évoque pas grand-chose au plus grand nombre, l’Américain entrant dans ce cercle très fermé des génies maudits. On pourrait le décrire comme l’équivalent musical de Malcolm X avec qui il partage le même refus du compromis. Mais à l’heure où j’écris ces lignes, Gil Scott-Heron est en liberté conditionnelle quelque part aux Etats-Unis, condamné pour possession de drogue, mais surtout condamné par le HIV. L’influence de cet artiste sur la musique actuelle (le hip hop surtout) est immense, mais ce qui frappe avant tout c’est la qualité de ce disque, l’impact est aussi fort qu’à sa sortie en 1971. Pieces of a Man est le deuxième album de Gil Scott-Heron, mais couvre un terrain très vaste - émotionnel, musical et aussi politique, à travers sa chanson la plus connue, "The Revolution will not be televised", un morceau fondateur de l’histoire pas encore commencée du hip hop et de la contestation en général:

« The revolution will not be right back after a message
about a white tornado, white lightning, or white people.
You will not have to worry about a dove in your
bedroom, a tiger in your tank, or the giant in your toilet bowl.
The revolution will not go better with Coke.
The revolution will not fight the germs that may cause bad breath.
The revolution will put you in the driver's seat. »


Certaines des références restent étonnamment actuelles, et cette chanson menée par une ligne de basse répétitive et une flûte balaye tout sur son passage. Même recyclée à de multiples reprises pour vendre tout et n’importe quoi, la conviction qui s’en dégage et son ironie fulgurante restent intactes.

Proto-rappeur à ses heures, Gil Scott Heron a aussi de grandes qualités vocales, évoluant dans un style plus proche de la soul influencée par le jazz, grâce aux arrangements de Brian Jackson (claviers), capable d’exprimer ses sentiments avec la même véhémence que ses critiques sociales.

Si Gil Scott-Heron est un artiste engagé, c’est avant tout un homme en proie à ses nombreux démons, conscient d’être en marge de la pensée dominante. "The Needle’s Eye" décrit ce grand saut dans l’inconnu : celui qui n’entre pas dans la tête d’épingle peut trouver la liberté, mais risque aussi de sombrer dans la folie. Les mots sont finalement assez simples, Gil Scott-Heron canalise toutes ses forces dans des chansons percutantes, au songwriting clair et limpide. Tout y passe, que ce soit les conditions de vie précaires ("Pieces of a Man"), la course sans issue qu’est la drogue ("Home is where the hatred is"), ou dans un registre plus léger, un hommage de toute beauté aux grands du jazz ("Lady Day & John Coltrane").

Une légende bien réelle, pas encore passée à la moulinette de la reformation et de la réédition en digipack. Pourvu que ça dure. A signaler que si le reste de la discographie de Gil Scott-Heron est d’un très bon niveau (jusqu’à Spirits en 1994), Pieces of a Man peut être considéré comme son album le plus abouti.

Quelques titres en écoute sur myspace

- JP, le 16 10 2007

Réactions

par Carla, le 31/10/2007
Un disque important, très important. Si les textes engagés font bcp parler d'eux, la musique n'est pas en reste, afro-soul-préfunk-rnb. Un artiste dans la lignée du grand Fela Kuti.