Certaines voix nous sont connues, on les entend et on se dit « ah oui, c’est machin du coin de la rue ». Parfois, on se dit en reconnaître une, mais voilà, impossible de mettre un visage dessus : on possède des lieux, des histoires, des souvenirs, et un nom sur le bout de la langue.
C’est un peu ce qui se passe avec Marissa Nadler. Son folk pastoral et plutôt dépouillé ne révolutionne pas le genre musical, même s’il n’est pas une énième redite de la femme-auteure-compositrice qui traîne son spleen la guitare sur le dos. Du déjà entendu, nous indique donc notre mémoire musicale. Néanmoins, le folk anglais présenté sur ces 11 titres reste de bonne facture.
Par contre, on s’arrête vite sur ce timbre de voix si particulier qui suscite en nous des réactions étranges : des images surgissent malgré nous, un pays lointain (une Angleterre médiévale), époque perdue où les chansons s’entonnent au pied d’un saule pleureur (« Lily, Henry and the Willow Tree »). Les mélopées de cette prêtresse sont une véritable machine à remonter le temps : elles jouent avec notre mémoire et nous ouvrent la porte d’un univers mythique parfaitement conservé, où se croisent spectres, assassins et amants maudits. Alors on se dit que cette voix, on la connaît finalement depuis toujours.
Le fabuleux organe vocal de la jeune femme peut se faire plaintif et toucher divinement le tragique (« Calico » souligné de chœurs délicats) ; il conte les amours perdues à jamais qui reviennent hanter les vivants (« Old love haunts »). Marissa sait aussi se montrer tendre, son timbre s’adoucit, chaleureux (« Mr. John Lee »), en cela il se rapproche parfois de celui de Chan Marshall. Tout au long des trop courtes minutes de « The Saga of Mayflower May » (2ème album de l’américaine), on retrouve une réelle authenticité, qui touche directement et profondément. Avec finalement peu de fioritures et de moyens (hormis une guitare 12 cordes, quelques touches d’orgue, d’ukulele et de flûte), le folk reste capable de nous raconter des histoires à frissonner et à chérir.
On en redemande et on range ce petit bijou sur le rayon des bonnes surprises de cette année 2005.
- runeii, le 28 08 2005