Après un Prolog très impressionnant, Opak revient avec "Two Sleepwalkers on a Tight-rope", disque entièrement autoproduit, 100% instrumental, digne de la BO d’un film futuriste. Tout commence en douceur, le décor est posé, "Epilog" étant une magistrale entrée en matière, avec une tension sous-jacente rendue à la perfection grâce à une mélodie ténue à l’orgue, une basse chaude, quelques claviers en arrière-plan, pour une bande son urbaine tout en nuances. On imagine le héros en proie au doute et à une angoisse croissante. La scène suivante est faite de superbes mélodies à plusieurs guitares, très mélancolique mais exécutée avec sobriété et classe.
"Amplitude" fait monter la tension d’un cran, avec l’apparition de cuivres stridents lourds de menace et des percussions étouffées en arrière-plan. Ensuite, les événements se précipitent, le bruitiste "Radiomagnet" représentant le calme apparent après la destruction, fait de scratches, blips et de friture radio, accompagnés de percussions métalliques qui font écho et créent une profondeur de son assez phénoménale - l’équivalent sonore d’un terrain vague balayé par le vent après une explosion nucléaire. Heureusement, après avoir failli se perdre dans ce no man’s land, on retrouve ses sens, la tension et l’intensité retombent peu à peu, et on atteint même un certain apaisement avec "Looping", autre morceau monumental, plus proche du post rock avec une belle mélodie à la guitare évoquant Tristeza, une ambiance digne d’un épilogue ou du générique de fin d’un film. C'était sans compter sur "Landing", un atterrissage brutal avec l’apparition de guitares hypersaturées qui perdent minute après minute tout contrôle, jusqu’à la désintégration finale dans un chaos à peine supportable.
Le fait qu’Opak ait enregistré plusieurs BO de court-métrages ne surprendra personne. Ce "Two Sleepwalkers on a Tight-rope" est un trip vraiment intense fait d’atmosphères riches et d’une profondeur de son peu commune, la bande-son monstrueuse d’un film urbain. La variation des humeurs et des sonorités tout au long de cet album est également à souligner, les mélodies coexistent avec les bruits, les instruments et les machines. Il y a de quoi se perdre dans de tels labyrinthes, cette musique exerce la fascination des abysses et nous entraîne très loin. Avec ce deuxième album. Opak confirme sa maîtrise des ambiances et se positionne comme l’un des groupes les plus prometteurs d’un genre nouveau, pas seulement en Suisse mais bien au-delà.
- JP, le 23 06 2005