Enfin ! L’homme en noir nous a fait longtemps patienter en repoussant sans cesse la date de sortie de ce triple cd de 56 titres inédits ! Il s’agit ici du complément indispensable à son compagnon officiel (le « best of » sorti en 1998) et de l’objet de toutes les quêtes pour les fans : il permet d’entrer par la petite porte dans l’univers du chanteur australien et d’explorer la face cachée de la discographie officielle avec les Bad Seeds (la carrière solo de Nick Cave n’est pas abordée ici) ceci jusqu’au dernier double-album studio sorti l’an passé. On va découvrir que ces B-sides, chansons de films, reprises, outttakes d’albums officiels ou versions inédites sont loin d’être de vulgaires redites des titres officiels.
Certaines faces B pourraient ainsi figurer aux côtés des albums respectifs : « The Train Song », tout en douceur et porté par ses cordes, reste très représentatif de la période crooner de « The Good Son ». On reste subjugué devant la simplicité émouvante de « Blue Bird », tout en retenue, titre inédit introuvable de la période « Henry’s Dream ». « Sail Away » nous envoûte et nous rapproche des balades douces-amères de « Let Love In ».
Et puis, il y a les étonnements : les faces B des derniers albums studio, et en particulier de « Boatman’s call », qui laissent les Bad Seeds s’aventurer avec un plaisir certain sur des terres nouvelles et rafraîchissantes, bien loin des compositions lentes et dominées par le piano de Nick : « Babe, I got you bad » ou « Come into my Sleep » nous poussent ainsi dans des contrées plus pop-folk avec leurs mélodies entêtantes. « Good, good Day » rappelle un gospel perdu dont le rythme endiablé préfigure (encore avec finesse) la brutalité retrouvée de certains titres de « Nocturama ». Bref, il y en a pour tous les goûts. Citons encore en passant parmi les reprises l’hommage réussi à Neil Young (« Helpless »), les autres contributions du genre s’avérant plus anecdotiques.
Si on devait garder le meilleur pour la fin, mentionnons « (I'll love You) till the End of the World”, et « Time Jesum Transeuntum et non Riverentum » (où Nick Cave est entouré des Dirty Three, groupe du violoniste des Bad Seeds Warren Ellis), deux titres de B.O. de film parfaitement exécutés, histoires du cœur de la nuit à la puissance évocatrice redoutable, qui permettent à Nick de laisser libre cours à son don d’incroyable conteur des angoisses humaines. Sans voix, on remercie alors l’homme, ses anges, ses démons et son abus inconsidéré du noir. On signe les yeux fermés pour un renouvellement de son contrat pour les 20 prochaines années.
- runeii, le 1 04 2005