
Ovations, c’est bien trouvé comme titre. Haie d’honneur, respect, hommage au défunt. Peu importe, Glen Johnson a toujours su honorer les anciens. Rassembleur, le bonhomme avait déjà ressuscité la voix de la folkeuse Vashti Bunyan en 2001, invitée surprise de l’inégal Writers without homes. Là , il n’hésite pas à tirer de sa retraite irlandaise Brendan Perry, monument énigmatique et âme poétesse du binôme Dead Can Dance.
Dire que le pari est de taille, c’est peu dire. Parce que Piano Magic s’est frayé jusqu’ici un chemin plutôt dans une confidentialité autiste. Parce que le groupe glisse musicalement sur les croisements et angles d’une pop souvent mélancolique, parfois presque blafarde. Parce que Johnson est une tête dure, exigeante, qui fuit les conventions. Mais c’est bien ce qui rapproche les deux hommes en fin de compte.
Le résultat dépasse de beaucoup les attentes. Déjà rien que sur les deux titres chantés par Perry, le crépusculaire "The Nightmare Goes On", qu’on dirait tout droit invoqué des cendres de Within the Realm of a Dying Sun, ou la valse triste délicatement ornée de cordes de "You never loved this City", les psalmodies du quinquagénaire poète anglais semblent épargnées par l’âge. Il propulse Ovations tout, tout près d’une barrière qu’on pensait infranchissable : transpirer un peu de la magie, de l’essence perdue de Dead Can Dance, devenir eux par procuration. Sans que personne ne s’en rende compte ou invoque le plagiat. Pour enfoncer le clou, on constate que Peter Ullrich, de...Dead Can Dance, contribue aux percussions. Décidément, on insiste bien sur les symboles.
De manière délicate et même si le trait pourrait agacer, ce disque très équilibré rend des hommages à la pelle, ayant digéré une décennie musicale inventive, allant de Joy Division à This Mortal Coil, de Cure à toute l’esthétique glacée du label 4AD. Dix titres à l’identité forte, allant du post-punk brûlant déjà tracé sur Part Monster ("Recovery Position"), voltigeant quelque part en territoires électro minimaliste ("Exit") voire jusqu’au boutiste ("On Edge"), empruntant ça et là une sensibilité pop arabisante bienvenue ("March of the Atheists"). On constate que Johnson a gagné en assurance aux parties vocales, plus en avant et solide devant un backing band qui a pris lui aussi du muscle.
Que dire de plus si ce n’est là même chose, une fois encore : un dixième album de grande classe, hanté par ses fantômes, mais surtout n’en parlez pas trop ouvertement. Une standing ovation, ça, oui… mais toujours à l’abri, peut-être pas en pleine rue. Charme, élégance et discrétion : du Piano Magic dans le texte.
- runeii, le 17 12 2009
par Kerouac, le 22/12/2009