Album pour temps de crise ? Avec un tel titre, on imagine vite un remède mondialisé où chacun trouve son compte de valeurs-refuge, soit quasi 30 ans de carrière bien solide qui nous autorisent à siffler en montant son bidule IKEA à Tokyo, Los Angeles ou Brot-Dessous. Etant toujours méfiant vis-à -vis des slogans trop vendeurs, je m’attaque donc à une analyse des rouages de cette étrange machine.
Premier single matraqué sur les FM, "Wrong" me gonfle depuis la première écoute. Pas possible de faire autrement. Question de goût peut-être. Mais entre un refrain rouge pompier et Dave Gahan qui se parodie sans vergogne depuis qu’il a appris à chanter, le single donne vraiment l’impression de surjouer. On glisse avec horreur vers des souvenirs qu’on espérait définitivement enterrés, soit "People are people" ou "Strangelove".
Ce manque de nuances, la suite va hélas souvent le confirmer. Enchaînant sans coup férir les tempos basiques pour autoroute six pistes, Sounds of the Universe flemmarde et ne va jamais chercher à décoller. Pire : il redira presque treize fois la même histoire. La formule magique du compositeur jusqu’ici hors-pair Martin Gore se trouve très vite diluée à l’infini dans un électro-rock tout au plus convenu, parfois de bas étage (ceci relativement aux productions passées). Je n’arrive pas à croire que le même groupe a réalisé Playing the Angel il y a à peine trois ans. Rarement l’écart entre deux albums aura été aussi abyssal.
S’il faut sauver quelques meubles, alors que ce soit "Jezebel", chanté par un Martin Gore peut-être limite pathétique, mais toujours émouvant. Ou encore "Perfect" et son refrain Wembleysque. Mais on aura dû auparavant se dépêtrer des guitares pâteuses des compositions de Dave Gahan (l’innommable "Hole to feed", "Miles Away" bâclé et ramant sans fin), qui n’arrivent même pas au niveau de son dernier album solo... c’est peu dire. Pour les amateurs de climax, rien, pas de tension, juste un ronronnement satisfait et des faces-b à la pelle.
Paresseux et inconsistant, ce douzième album studio ne restera pas dans les annales, prouvera aussi que tous les dinosaures peuvent s’éteindre un jour ou l’autre, et, pire, ne plus fasciner. A moins d’un sursaut d’orgueil. J’allumerai donc un cierge en priant pour que Depeche Mode ne finisse pas démantelé. On a bien assez de U2 ou de The Cure.
- runeii, le 23 04 2009