Pour le deuxième volet de cette série de chroniques consacrées aux délices du black metal, intéressons-nous de plus près à un groupe suisse, tessinois plus exactement, que je n'aurais d'ailleurs jamais eu l'effronterie de vous présenter sans cela, tant le style du groupe est extrême. Mais qu'à cela ne tienne, je reste convaincu que quelques curieux parmi vous se laisseront tenter par l'aventure.

Darkspace se démarquent dès le premier regard par une esthétique aussi opaque que leur musique: trois albums, trois fois le même packaging, si ce n'est les microscopiques ordinaux qui tiennent lieu de titres aux albums, au demeurant dissimulés par un slipcase, et une illustration absconse en noir-gris à l'intérieur du livret. Pas les champions du marketing, dites-vous?

Pour ce qui est de la musique, elle se situe à l'extrémité de ce que certains appelleraient volontiers le black ambient. Batterie ultra linéaire et rapide, probablement électronique, noyé sous des murs de guitares distordue et atonales, une voix hurlée qui semble le fruit d'une interminable chute, tout aussi distante, et des nappes synthétiques anémiques en surimpression pour rehausser un peu la sauce. Mais ne vous y trompez pas, la surenchère totale qui semble décrite ici n'a d'autre but que celui de laisser l'auditeur pantois devant un marécage psyché et des harmonies d'outre-espace que ne renieraient pas certains compositeurs contemporains. Arrive un moment où la batterie, ayant dépassé le mur du son, n'est plus qu'une fréquence parmi d'autres et où la notion même de rythmique perd toute signification.

Si j'avoue volontiers être complètement fasciné par la manière dont sonne ce groupe, je dois vous concéder qu'elle pourra paraître un peu cheap à des oreilles moins habituées à ce type de production, et plus important, il me semble que le groupe n'a pas atteint son plein potentiel en terme de structures, ce qui lui manque pour se hisser à la hauteur d'architectes du malaise de la trempe de Blut aus Nord, par exemple.

Fascinant dans le genre cathédrale gothique, Darkspace est un groupe à la personnalité très marquée qui tôt ou tard devrait susciter l'intérêt d'un public plus large, tant il dégage quelque chose de cosmique à travers son jusqu'au-boutisme. M'enfin, si vous deviez trouver que ça ressemble à s'y méprendre à une tondeuse à gazon sur fond de musique new age, je comprendrais aussi.

- lina b. doll, le 5 11 2008