Calexico a longtemps fait partie des groupes à suivre, la faute à un manifeste talent pour le brassage des genres et des époques. Une trilogie de très haut vol entre 1998 et 2003 (The Black Light, Hot Rail, Feast of Wire) réunissant western, world, folk ou jazz, et puis plus grand chose à se mettre sous la dent, le dernier en date (l’insipide Garden Ruins) n’ayant pas réussi à convaincre, coincé dans son pastiche du rock sixties américain, peu inspiré dans son format "chanson".
Mais on entend reparler du groupe de Tucson, tout d’abord pour une série de duos en BO de Dylan (I’m not there), puis pour ce Carried to Dust, 6ème album studio. Et je me vois vite soulagé de constater que Calexico retrouve un niveau d’écriture digne de ce nom ! Renouant avec la simplicité d’écriture sous forme de mini-pièces disposées en patchwork, le chemin de Carried to Dust évite bien des chausse-trappes. La cure d’amaigrissement porte ses fruits : réduits à une épure, il faut constater que des titres très réussis comme "Red Blooms", "Man made Lake" ou "House of Valparaiso" dessinent au final bien davantage le mythe crépusculaire de l’Ouest Américain que la surenchère western spaghetti, travers kitsch dans lequel Calexico a pu par moments se complaire.
Le chant de Joey Burns a aussi gagné en humilité, sobre après les excès, murmurant chaque chronique en économisant son souffle, escorté par moments par Sam Beame (Iron & Wine), Amparo Sanchez (Amparanoïa) ou Jairo Zavala (DePerdro). En contrepoint, la ferveur latine reste bien représentée, glissant doucement entre rumba torride et salsa sans-gêne, s’en allant même régater sur des terres nouvelles du côté de Kingston ("Victor Jara's Hands").
Ainsi, sans se limiter à un pur acte de nostalgie, ce Carried to Dust s’avère un agréable retour à l’identité première du groupe, ceci incluant toutefois quelques bizarreries, telles ce "Two Silver Trees", single annoncé au refrain doucereux façon Eagles pas vraiment accrocheur, ou ce "Slowness" country filant entre les doigts par son inconsistance, terni par une Pieta Brown anémique.
Reste que, malgré les indéniables qualités artistiques et musicales de leur opus, il semble que le meilleur du groupe ait été dit il y a déjà plusieurs années, Calexico rencontrant ainsi le dilemme de leurs contemporains des Tindersticks. Il se pourrait bien que la suite de la carrière des deux cow-boys Burns et Convertino devienne une épuisante course contre eux même, duel je le crains perdu d’avance.
- runeii, le 5 09 2008