En écoutant pour la première fois ce disque, on se prend sans doute la même claque que celle encaissée par les premiers auditeurs de « 21st Century Schizoid Man » en 1969. Depuis une dizaine d'années, pléthore de groupes défrichent tant bien que mal les farouches contrées du math-rock, ramenant la plupart du temps un matériau sensiblement trop brut pour soulever ne serait-ce qu'un semblant d'émotion dans nos coeurs ramollis par des années grandiloquentes de post-rock pour fillettes et de revival 80's dégoulinant. Hé bien c'est fini tout ça.

Mirrored est avant toute chose un disque à la rythmique implacable, une mécanique d'horlogerie remarquablement huilée, sans fioriture inutile. Guitares, claviers et voix d'extraterrestres débiles viennent se poser hypnotiquement sur ce canvas pour créer une toile bigarée et foncièrement écoeurante. On pense à Magma et bien sûr à King Crimson (période Discipline). C'est tout à la fois sophistiqué à l'excès et primitivement tribal. Battles parle aux tripes dans un langage futuriste, qu'on ne peut comprendre qu'à condition de connaître la distinction qu'il y a entre cérébral et intello.

Le plus étonnant dans tout ça, c'est que malgré une musicalité certes exigeante, il y a chez Battles quelque chose de terriblement accrocheur et addictif qui rend l'expérience éminement pop, au sens noble du terme. De là à imaginer qu'il y ait une place entre la new-rave et la variét' pour un vrai revival progressif (oh le bel oxymore) ces prochaines années, je ne me fais pas non plus d'illusion. En tout cas ce qui est sûr, c'est qu'il serait tout à fait déplacé de ne pas même daigner jeter une oreille à ce Mirrored.

C'est par là...

- lina b. doll, le 14 08 2007