On peut très clairement avancer que Let Love In reste le plus pop des albums de Nick Cave. Après la thématique de la mort et bien avant celle du sentiment religieux, l’Australien ne pouvait passer à côté de cette inévitable source d’inspiration à laquelle tant de poètes ont puisé.
L’amour mièvre et radiodiffusé, les bons sentiments, Nick Cave ne les a jamais appris, ne vous attendez donc pas à de tendres slows enchaîné à votre amoureuse… la question ultime qui le taraude c’est : est-ce que tu m’aimes ?, entre obsession («Do You Love Me Part I») et déception («Part II»), scandé par un groupe de Bad Seeds à l’unisson. Beau coup de sang d’entrée. L’amour se fera ensuite animal sur un furieux standard («Loverman», repris plus tard par Metallica ou Martin L. Gore de Depeche Mode), il mélangera douleur atroces et punition divine («I Let Love In»). Oui, la qualité des textes stupéfie, Nick Cave survole encore une fois le niveau d’introspection de son précédent opus : une plume noire, à la fois sagace et impitoyable envers lui-même.
L’enveloppe musicale a quant à elle de quoi surprendre de prime abord : retour massif des claviers de Conway Savage et arpèges florissants en quête d’harmonie. La parenthèse sauvage Henry’s Dream est bel et bien révolue ! Preuve en est également la volonté du rendu sonore (par Tony Cohen), créant une aura lumineuse et complexe, Let Love In se révélant en fin de compte un album très produit, d’où ce côté pop presque sucré qui s’en dégage.
On a de ce fait le sentiment d’une certaine opacité parfois pesante, notamment en seconde face du disque. Plusieurs titres n’accrochent pas et gagneraient à davantage d’immédiateté, tant en registre atmosphérique («Lay Me Low») que dans une voie punkisante un peu pataude («Thirsty Dog»). A force de trop vouloir en faire, Nick s’égare.
Point fric enfin : Nick Cave tutoiera le succès commercial via son «Red Right Hand», devenu rapidement une référence rock indé des années 90. Let Love In aura ainsi préparé le terrain à cette ample reconnaissance mondiale que suscitera Murder Ballads deux ans plus tard. Comme quoi, l’amour ouvre toutes les portes...
- runeii, le 7 06 2007