Il y a exactement deux manières et demi d'aborder ce nouvel album de Tool. La première consiste à hurler sur tous les toits que "cinq ans pour ça c'est n'importe quoi, Tool se fout de la gueule du monde", attitude qui pourrait se comprendre si Tool était le genre de groupes anecdotiques dont le rock se passe sans problème. En l'état, il se trouve que cinq ans après Lateralus (dix depuis Aenima), on peine à voir qui pourrait faire du Tool à la place de Tool, et coup de bol, le nouvel album de Tool est précisément du pur Tool, alors passons sur ce procès d'intention que les quelques fans aigris avant l'heure dressent au groupe de Keenan. Fin de l'histoire.
La deuxième manière consiste à écouter le disque et à constater par soi-même qu’il recèle quantité de moments forts, ainsi par exemple des cinq premiers morceaux, qui fonctionnent impeccablement bien, en dépit de l'absence totale de surprise, propriété d’une machine bien huilée. Et la « demi manière » qui reste d’aborder le disque, c’est de se rendre compte que malgré ces bons moments, le disque est laborieux, sincèrement. Passés les premiers morceaux, Tool se traîne et donne l’impression de s’écouter jouer en se faisant de petits clins d’œil complices pendant les vingt minutes que durent la pénible suite qui va de « Lipan Conjuring » à l’introduction d’« Intension », incluant l’astucieux et épanoui mais à mon sens affreusement barbant « Rosetta Stoned ». Quant à « Intension », il convoque effectivement quelques percussions électroniques, mais c’est vraiment histoire de dire qu’ils l’ont fait tant le résultat est peu concluant (genre hybride trip-hop toolien). Bref retour à quelques choses de plus accrocheur (et convenu) pour « Right in Two », avant de clore l’album sur un longuet morceau de néant électronique d’arrière-garde.
Tout bien considéré, 10'000 Days est l’archétype de l’album en demi-teinte. Des moments de réussite éclatante, hélas contrebalancés par des longueurs verbeuses qui agacent. Reste que Tool est un groupe unique, doté de solides musiciens qu’on a plaisir à retrouver et à écouter s’ébattre sur un disque évidemment de grande qualité, mais dont je doute qu’il tienne aussi bien la distance que ses émérites prédécesseurs. Nous verrons bien si la poussière de mon étagère aura comme je le pense raison de lui une fois l’attrait de la nouveauté complètement évaporé.
- lina b. doll, le 15 05 2006