Réédité chez Shayo, patrie musicale des artistes distillant une mélancolie douce et une tendance à la rêverie (le folk de In Gowan Ring, ou le post-rock de The Evpatoria Report), Mystery Seas est d’un format un peu à part. Emmené par une des têtes pensantes des cultissimes Eyeless in Gaza, cet album solo sorti initialement en 1995 ressuscite la pop éclatée et glacée façon This Mortal Coil, perdue quelque part à la fin des eighties. Il y ouvre aussi d’habiles perspectives (chanson folk traditionnelle, musique électronique, musique d’église).
Conçu comme un jeu entre les vocalises risquées de Martyn Bates (dont le trémolo n’a rien à envier à celui d’un jeune David Sylvian) et les strates tourbillonnantes de son orgue, Mystery Seas dépeint à la perfection les égarements nocturnes du marin sans boussole dans le brouillard. Passablement angoissant donc (telle l’ouverture «You, Looking to Me for a Sign»), toujours avec une sensation d’irréel. Quelques notes de flûte et de rares percussions viennent de temps à autres remuer le magma fiévreux issu du clavier, apportant un oxygène bienvenu. Martyn déclame ses vers avec ferveur et parfois un brin de théâtralisme, dans la plus pure tradition des auteurs romantiques post-punk de la fin des 80’s (tel Simon Huw Jones).
Opaque, dense, mais aussi intrigante, cette œuvre de Martyn Bates est une introduction parfaite à la discographie de Eyeless in Gaza. Même si le concept poésie + orgue devient un brin étouffant sur la longueur, Mystery Seas permet une (re)découverte d’un auteur qui a posé les jalons d’un genre. A noter le digipack soigné.
- runeii, le 5 05 2006