Le splitting est en passe de devenir l’un des nouveaux moteurs de l’industrie du disque. Prenez un groupe de hardcore / heavy metal relativement peu connu, ayant sorti trois albums, mais déjà sur le déclin, à bout de souffle. Faites-les se séparer, sortez en prime quelques compilations pleines d’inédits (faut bien vivre), publiez quelques déclarations fracassantes ("plus jamais je jouerai avec ces connards !!!", etc.) et attendez quelques années, au minimum 7. Ensuite, organisez quelques concerts "uniques" en l’honneur du bon vieux temps, et si les dates affichent complet, signez chez une major, lancez une campagne de promotion nationale, et sortez un nouveau disque. QED.
C’est un peu ce qui s’est passé avec Life of Agony. Loin de moi l’idée de vouloir accuser le groupe d’opportunisme, mais après un premier album honnête et vraiment tranchant - "River Runs Red" en 1993 - il y eût deux albums loin d’être à la hauteur, puis finalement des dissentions dans le groupe l’ont fait implosé. Sans être véritablement génial, ce groupe à marqué les esprits à ses débuts, et sans doute "grâce" à sa séparation, a généré une aura mythique autour de sa musique quelque peu exagérée. C’est clair, pour qu’un groupe soit mythique, il faut qu’il n’existe plus, la nostalgie fera le reste. Ce que Life of Agony représentait au milieu des 90's, un metal hardcore sans concessions, à vif, adolescent, a-t-il toujours un sens aujourd’hui ? C’est la question à laquelle devait répondre "Broken Valley", premier album sur une major pour le retour de Life of Agony.
Epic a mis le paquet sur la promotion. Première constatation, la production est hyper clean, sans aspérité, et la voix de Keith Capuco est différente de ce qu’elle était sur les albums précédents, plus conforme à ce qu’on entend habituellement dans le metal, alors que sa façon de chanter était véritablement unique auparavant. Musicalement, ça ressemble un peu à Velvet Revolver par moments (autre groupe ressucité), mais avec un base rythmique plus lourde évoquant Rage Against the Machine (ou Audioslave, si vous préférez...). En fait, si c’était pas écrit que c’était LOA, je l’aurait pas remarqué. On sent le passage sur une major, le résultat est un produit préformatté dénué de saveur, transgénique. C’est très lourd, ça crie pas mal, mais c’est pareil à tant d’autres groupes...ce qui est exprimé sent le réchauffé, et c’est très répétitif ! Bref, ça n’a plus grand-chose à voir avec le Life of Agony de "River Runs Red" ("The river runs red and I think I’m dying"), suicidaire, enragé et malsain. La rock'n roll attitude en à pris un sérieux coup, la crédibilité aussi, l'alternative offerte étant loin d'être originale et convaincante.
- JP, le 12 06 2005