Album concept dans le bon sens du terme, assaut sonique empruntant autant au rock qu'au blues du Delta du Mississipi, Prayer of Death est une violente et joyeuse célébration de la mort. Contradictoire? Pas si l'on considère les influences blues parfaitement digérées par le frontman Guy Blakeslee (qui joue tous les instruments exceptés violon et batterie): d'une façon ou d'une autre, l'exécution de Prayer of Death s'apparente à un exorcisme évoquant des figures aussi légendaires que Charley Patton ou Blind Lemon Jefferson.
La comparaison s'arrête à l'esprit, la musique, elle, est autrement plus intense et lancinante. En ouverture, "Grim Reaper Blues" est un titre qui résume parfaitement son contenu: avec un slide guitar aussi coupant qu'un rasoir et un chanteur possédé, l'album accroche tout de suite l'oreille avec son rock noisy gorgé de blues.
Cette joyeuse violence est sans doute la grande force de cet album, qui n'est pas aussi efficace dans la surenchère instrumentale. Lorsque les instruments s'accumulent (les 8 longues minutes de "Lost in the Dark"), la production a du mal à suivre, créant une sorte de maelstrom musical beaucoup moins efficace. Mais il faut tempérer ces critiques en saluant la véritable originalité de cet opus dans son ensemble, même si la sauce ne prend pas toujours.
Les 2 morceaux les plus calmes sont aussi des réussites: que ce soit "Requiem for Sandy Bull", court et magnifique instrumental à la cithare dédié au guitariste visionnaire récemment décédé; ou la chanson homonyme, qui se rapproche d'un format folk psychédélique, avec simplement guitare/voix, et toujours cette même ferveur communicative.
Plusieurs très bonnes chansons sont véritablement enthousiasmantes, et nous rappellent pourquoi on aime le rock, ce que peu d'albums récents peuvent transmettre. Par contre, tout n'est pas du même niveau, certains morceaux ont un goût d'inachevé, laissant une impression bordélique et floue. Le violon de la talentueuse Paz Lenchantin (A Perfect Circle, Zwan...) est vraiment un plus, ajoutant un côté médiéval aux débats et s'intégrant très bien à ce rock.
Résolument moderne mais profondément ancré dans les musiques traditionnelles, Prayer of Death est une véritable bombe qui ne laisse pas indifférent, malgré un "ventre mou" qui l'empêche d'être un grand disque. Plaisir et originalité sont au rendez-vous, et c'est tout ce qu'on demande au rock. A découvrir.
- JP, le 31 01 2008