L’un des fers de lance du label Ninja Tune, The Herbaliser revient avec un album très riche, avec de nouvelles interactions entre electro, jazz et hip hop, toujours plus d’instrumentations live, grâce à un groupe recruté pour l’occasion. A signaler la présence de Jean Grae sur pas moins de 5 titres, elle remplit à elle seule la quasi-totalité des guests stars présentes sur "Take London" . La première, qui ouvre cet album, fait craindre le pire, quelques cuivres stridents et un rap plutôt convenu semblent provenir des chutes de "Something Wicked this Way Comes".
Heureusement, sur "Close your eyes", son rap clair et réflectif est superbement adapté à la musique - une ligne de guitare, un rythme lent, quelques scratches, des cuivres légers à l’arrière plan pour une ambiance feutrée dont Herbaliser a le secret. Emmenée dans un véhicule d’une telle classe, il est difficile de se tromper, mais Jean Grae tire véritablement son épingle du jeu, tout comme sur le James Bondien "Twice Around". Dans l’enchaînement, l’instrumental "Sonofanuthamutha" et son jazz atmosphérique digne d’une intrigue de film est du même tonnage, fait de subtilité, instrumentation luxuriante mais toute de retenue (xylophone, cuivres, basse, batterie, groove lent), d’une grande force évocatrice.
Les apparitions des rappeurs Cappo et Roots Manuva n’apportent rien, le résultat reste inférieur à ce qu’on à entendu sur l’album précédent et pertube plutôt le déroulement du disque. Sans l’aide de personne et dans un registre plus festif, The Herbaliser nous offre encore de très bons moments - le débridé et survitaminé "Gadjet Funk", réminiscence de la période "Blow your headphones", ou encore le Bollywoodien "Kittyknapper", avec batterie jazz et flûte, s’il vous plaît. Le très seventies "Geddim !", bande son d’un vieux film de gangsters jauni est également très convaincant, tant l’instrumentation est riche à nouveau, navigant entre funk 70’s et jazz. Pour clore ce disque, la plus improbable des collaborations retrouve Philippe Katerine au chant sur "Serge", hommage à Gainsbarre, sur fond de banjo et d’orgue.
En conclusion, "Take London" est fait d’instrumentations très riches, une bande son pour un film d’espionnage à rebondissements, même si le lien entre jazz et hip hop n'est pas toujours évident à créer. Mais The Herbaliser maîtrise vraiment son art, autant à l’aise avec le funk qu’avec le jazz, et Jean Grae est la seule à vraiment bien s’insérer dans ce monde. A noter encore que la production est excellente et que le groupe live (section cuivres, batterie, etc.) assure parfaitement son rôle, à l’image du Cinematic Orchestra de Jay Swinscoe, dans un tout autre registre. Après six albums, The Herbaliser continue sa progression et reste l’un des meilleurs groupes du genre.
- JP, le 4 06 2005