Trail of Dead > Worlds apart

Worlds apart
2005
Notation
Rock   

And You Will Know Us By The Trail Of Dead est un groupe qui a beaucoup évolué depuis ses débuts sur la scène punk/hardcore d'Austin, Texas. Deuxième album sur une major, "Worlds Apart" est un disque très attendu (après l'excellent "Source Tags and Codes"), même si on a du mal à croire que c'est le même groupe qui a enregistré un morceau tel que "A perfect Teenhood" 6 ans auparavant, chanson post-sonic youth sans compromis, avec guitares et batterie déchaînées sur un orage de "fuck yous".

Grandiloquent, pharaonique, "Worlds Apart" est un difficile numéro d'équilibriste entre power rock genre The Music (souvent), prog rock genre Genesis (rarement) et flirts avec le punk FM genre MTV (trop souvent). La production est très clean, trop peut-être, toutes les aspérités ont été limées, surtout au niveau de la voix du chanteur, polie, désinfectée et overdubbée plein de fois.

Le disque commence en fanfare avec une intro digne d'un cérémonial antique, suivie de "Will you smile again for me?", premier véritable morceau de "Worlds Apart", qui est une déception égale à la qualité de la première minute : une entrée en matière toute en puissance, avec batterie et guitares survitaminées, dynamiques et purificatrices, qui, après une minute trente, laissent la place à ce qu'on pense être une introduction, une montée en puissance vers l'explosion finale... Au lieu de cela, ça dure, ça dure, le morceau s'essouffle et rien ne se passe.

"Worlds Apart" - chanson éponyme - compense en énergie son manque d'originalité, une chanson indie/punk comme beaucoup d'autres, finalement assez convenue. On retrouve la puissance des débuts sur "Caterwall", chanson rock qu'on prend comme elle vient, où la chimie fonctionne immédiatement, sans effort, fraîcheur et puissance sont au rendez-vous, ce qui n'est pas le cas sur "The Best", qui ressemble à "Will you smile again for me?" bis repetita, ni pire ni mieux. "Summer of 91" semble être le passage obligé par la case ballade, mais réussi beaucoup mieux que bien d'autres morceaux grâce à une instrumentation musclée qui monte petit à petit. Techniquement, le groupe maîtrise son sujet, surtout au niveau de la batterie, impressionnante, et ce sont ces aptitudes qui sauvent bien souvent le groupe du naufrage.

Au final, on ressort de cette expérience avec un sentiment mitigé. La première écoute est la meilleure, on est pris par l'énergie, mais les fois suivantes, les manques se font cruellement sentir, plusieurs morceaux semblent être du remplissage, et par moments Trail of Dead flirte dangereusement avec un rock très conventionnel pour eux, une sorte de pseudo-punk comme on peut en entendre sur MTV. Délicieuse ironie, ils se permettent de critiquer cette chaîne et tout le rock business sur une des chansons. Alors, autocritique ou aveuglement?

Le groupe est le meilleur lorsqu'il tente quelque chose, comme sur "Lost City of Refuge" ou "Classic Art Showcase", qui démontrent de belle façon un génie certain, quelque chose que l'on n'entend pas tous les jours. La seconde commence comme une chanson rock plus ou moins classique, puis arrive un break avec des choeurs et toute une orchestration, soutenue par une batterie puissante. "Lost City of Refuge", qui clôt ce disque, est un morceau plus épique, où le groupe se permet des instrumentations moins conventionnelles, un morceau qui réussit le dosage parfait entre gros rock et subtilités instrumentales.

Cependant, de tels moments sont finalement assez rare, et il est impossible de ne pas se sentir frustré en constatant que ces pistes qui révélaient un intérêt énorme n'ont pas été explorées jusqu'au bout - le groupe semblant rapidement content de lui. Il y a du génie par moments sur ce disque, mais il côtoie le moyen, qui est tout de même nettement majoritaire sur "Worlds Apart". Ce qui est bien dommage car Trail of Dead a des aptitudes créatrices et techniques bien au-dessus du lot dans le monde du rock indé.

- JP, le 27 01 2005