“When you’re absolute beginners, it’s a panoramic view” - par cette phrase commence le titre inaugural de l’album. Si le M. Ward est désormais loin d’être un “beginner”, Hold Time est assurément son album panoramique. Parenthèse ou tournant, l’avenir nous le dira, toujours est-il que le songwriter se place aujourd’hui clairement sous les auspices de Phil Spector, Roy Orbison et John Lennon. Un positionnement affiché, revendiqué avec bonheur et une jolie fierté d’un bout à l’autre de ce nouvel album. Il ne s’agit point de révolution cependant: l’amplitude qui nous est ici donnée à entendre était déjà en germe dans les autres enregistrements du bonhomme.
M. Ward s’arrache en grande partie à son enracinement pop-folk pour s’installer solidement sur des terres résolument “Rock’n’roll”. Tout y est: lourdes guitares fifties, bonne grosse reverb’, handclaps, chœurs enthousiastes, emprunts aux pères fondateurs - dont une reprise d’un “Rave On” autrefois chanté par Buddy Holly, ici l’occasion d’une collaboration avec Jason Little, ex-Grandaddy en chef, dont l’univers rêveur semble avoir contaminé tout Hold Time. Les invités de marque sont venus en nombre sans jamais dénaturer la cohésion de l’ensemble. Aussi à l’aise avec des ballades aériennes qu’avec les tempos entraînants très Wall of sound, M. Ward délivre un disque riche en nuances et d’une admirable profondeur. Les textures y sont à la fois chatoyantes et brumeuses, à la manière d’une séquence onirique tirée des meilleurs films de David Lynch, et l’auteur se montre capable de signer des classiques instantanés de la musique américaine. Une preuve? Allez au hasard jeter une oreille sur “Fisher of Men”...
Le morceau-titre, lennonien en diable et éthéré, cristallise la mélancolie qui irrigue la plupart des compositions de l’album, une mélancolie heureusement jamais laborieuse ni même forcée. D’ailleurs, si l’on pouvait craindre l’aspect “exercice de style” de la chose, écoute après écoute, la belle sincérité de l’œuvre se fait de plus en plus éclatante. Par respect, certainement, des canons convoqués, les titres dépassent rarement les trois minutes quinze. Quatorze chansons qui sont autant de songes dont on ne s’éveille qu’à regret.
- Rémi Boiteux, le 8 04 2009