Une évolution à défaut d’une révolution. Même si Green is the Sea ne restera pas la pierre angulaire de la discographie d’AATT, l’album restera un témoignage sur l’envie de la bande à Simon Huw Jones de refuser le sur-place. Par l’introduction de claviers, synthés (aujourd’hui un peu datés) et pianos, plaçant la guitare de Justin en retrait, les Trees y perdront un peu de leur tension post-punk, tout en conservant l’élégance romantique tissée sur Farewell to the Shade.
Soyons honnêtes, les premières écoutes surprennent, "Red Valentino" harnache synthés et cuivres pour un trip cotonneux à l’aveugle dont on peine à saisir les nuances. Plus loin, la folle escalade instrumentale de "Tremendous Risk for Mr Ferdico" ne ressemble à rien de connu jusqu’ici, grand piano sans une note de guitare. Pas de mauvais goût, non, mais un manque général de relief, un son très nineties par ailleurs, écrasé par le poids des ans.
Ce qu’il reste à prendre ? La part belle faite aux fables ou métaphores naturalistes, les textes de Simon qui restent illuminés d’une clarté froide et aquatique. Green is the Sea sent les hautes herbes d’une Ecosse en automne, sauvage mais apaisée. "The Dust Sailor", "The Woodcutter" ou "River of Flames" évoluent vite vers de puissants inducteurs de rêve ou de nostalgie. Au fil des écoutes, le terrain défriché redevient familier, alambiqué sans être pompeux. La faute aux compositions qui sont fignolées à l’anglaise, dans les moindres détails. La faute à un chanteur au baryton toujours diablement expressif. Sans oublier l’ossature rythmique quadrillant l’espace avec une précision encore plus helvétique.
Ce qui manquera peut-être à Green is the sea, c’est un réveil salvateur au-delà de sa torpeur. Comme un narcotique induisant une dépendance, l’album nous laisse reconduire sans cesse nos songes doux-amers, exempt de chute, d’accident de parcours ou d’euphorie grisante. Never stop, never stay, Don't let your shadow fade ("Jacob Fleet"). Les Trees continuent leur mue.
- runeii, le 7 07 2008