Il y a bientôt 15 ans, les longues nuits d’été selon Mark Lanegan se concevaient comme un dialogue ininterrompu avec ses démons, alimenté par quelques rasades d’un vieux Scotch douze ans d’âge. Rétrospectivement, c’est bien au cœur de cette intimité avec soi-même que le complice de Kurt Cobain a touché à la perfection.
En période de fin de règne des combos grunge, Mark Lanegan poursuit son retrait progressif des Screaming Trees pour un second album solo, renouant avec une intransigeante authenticité dans la tradition des songwriters. Mise à nu au travers de torch-songs, de blues ou de folk dépouillés, sa poésie flirte davantage avec Tom Waits qu’avec Dylan, magnifiée par une voix écorchée, nicotineuse, émouvante. Et l’air de rien, c’est bien l’album parfait qui survient, honteusement ignoré lors de sa sortie. Un pur malt indie dans la tradition des drinking songs (concept repris plus près de chez nous par Matt Elliott).
Quoique plus élaborés que sur The Winding Sheet en 1990, les nouvelles compositions si difficilement accouchées possèdent une heureuse simplicité, 13 perles cabossées offrant chacune un reflet nocturne différent. "The River Rise" tout en arpèges pose un décor humide, avant que se libère la colère électrique contenue ("Borracho"), contrepoint à une évocation pop du sentiment de chez-soi ("House a home"). Peu à peu s’allument les milles feux de l’obscurité, Lanegan chuchote ("Kingdoms of Rain"), joue son funambule ("Carnival") et finit par lâcher totalement prise ("Riding the Nightingale" ou la délicieuse heure des larmes). La seconde face rendra coup pour coup.
Sans un titre à jeter, Whiskey for the holy ghost transcende les genres, se dégustant par petites gorgées entre quatre et cinq heures du matin. Compagnon des infortunes d’un temps, fidèle parmi les fidèles, il devient inévitablement le must-have des heures difficiles, gardien irremplaçable de nos nuits-blanches.
- runeii, le 25 06 2008