S'il ne devait en rester qu'un seul disque de funk façon 60's-70's, cette compilation pourrait bien faire l'affaire. Après l'excellentissime Florida Funk, le label Jazzman continue son voyage au coeur des Etats-Unis pour nous amener en Caroline vers la fin des années 60, dans ce double-état dépourvu de grandes villes qui a donné naissance à une multitude de groupes locaux obscurs à l'écho bien limité.
Cette compilation couvre un terrain très vaste: jam bands inconnus, funks abrasifs, instrumentaux fluides, imprécateurs funk illuminés - avec comme constante la qualité exceptionnelle des choix, malgré l'anonymat quasi-total des groupes. Les parties vocales sont à l'occasion un condensé de funk attitude explosive - pas sur que le chanteur de Dynamite Singletary carbure à l'eau claire, sorte de James Brown puissance dix. Pareil pour Frankie et ses Damons, une voix d'une puissance assez phénoménale. Autre morceau inestimable, "So very hard to make it" de Paul Burton, la ballade soul ultime, qui prend aux tripes dès le solo d'introduction. Au rayon folie pure, nommons le groove satanique de Anthony Burns ("Doing what you need to do"), et "Theme of Blackbyrds" des Black Exotics, groupe au batteur fou et à la section cuivres déchaînée, capable de déclencher un épisode psychotique chez les plus fragiles d'entre nous. D'autres morceaux instrumentaux ralentissent le tempo, à témoin "Let's go (Tt's Summertime)" de James Reese & The Progressions, morceau connu certes, mais d'une délicatesse suprême.
L'énumération pourrait continuer longtemps, mais en résumé Carolina Funk est un concentré de tout ce que le funk a de meilleur : des imprécateurs funk illuminés, des sections rythmiques qui assurent, des guitares revêches et des sections cuivres en roue libre. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le propos est léger et entraînant comme jamais, la gratification instantanée. On en oublierait presque le magnifique booklet racontant l'histoire de tous ces artistes tombés dans l'oubli. Carolina Funk est tout simplement de l'or en barre pour tous les amateurs de funk.
- JP, le 7 06 2008