J'avais beaucoup aimé Novelist / Walking Without Effort à sa sortie, mais je dois bien avouer que la délicatesse pop de Dressed Up For the Letdown m'avait ennuyé, trouvant cet élixir un peu trop sirupeux. On aurait pu croire Richard perdu à jamais dans le monde confortable d'une pop belle mais conventionnelle, mais le voilà réincarné sous les traits d'Onasis, son double ou son ancêtre bluesman. As Onasis est un virage à 180 degrés, un disque aussi vivifiant et râpeux que son prédécesseur était posé et lisse.

Bienvenue dans le monde du blues lourd et sale, résumé par la pochette du disque et certains des titres ("Greaseball Blues", "Ha ha Suckers") : le genre de musique évoquant un atterrissage forcé dans un abreuvoir à chevaux après une bagarre dans un saloon trop aviné. Le disque est séparé en deux EP's comme à la belle époque, aucun morceau ne dépasse la barre des 3 minutes, et beaucoup sont des instrumentaux au charme désuet (les énigmatiques "Opt I/II" évoquant l'orgue déglingué de Fats Waller dans Eraserhead). A côté d'une guitare graisseuse, on retrouve cet orgue qui nous ramène un siècle en arrière, ou encore des percussions sèches, des roulements de tambour qui saturent. La voix de Richard Swift est souvent perdue dans le lointain, noyée dans un écho crépusculaire.

As Onasis perd par moments de son influx nerveux, dissipant quelque peu sa formidable énergie primale au fil des instrumentaux de moins d'une minute, ou sur des morceaux comme "JLH" (des braillements genre John Frusciante période drogues dures). Qu'à cela ne tienne, cela fait partie du personnage : le deuxième EP possède lui aussi son lot de bonne surprises: "Vandervelde Blues", petite merveille blues noyée de cymbales au son de guitare phénoménal qui semble avoir été enregistrée dans les années 50.

Disque déjanté et étrange, tout d'atmosphères, As Onasis en laissera certains songeurs mais ralliera beaucoup de nouveaux-anciens fans à sa cause. Une prise de risques jusqu'au-boutiste omme on les aime.

- JP, le 31 05 2008