Signe d’un grand disque, lorsque j’écoute The Klaxon, c’est de la première à la dernière mesure. Et depuis des années ça ne change pas. La cold wave élégante et délicate d’And Also The Trees vieillit plutôt bien. S’avérant faire partie des indispensables rejetons de Joy Division, les Britanniques sont, soi dit en passant, l’un des rares survivants actuels de cette ère.

Grande force du groupe, l’aptitude à faire émerger des ambiances, des époques et des humeurs. Depuis quelques temps, Simon Huw Jones poétise de moins en moins comme un Andrew Eldritch, s’humanise par moins de grandiloquence, et s’avère devenir un incroyable crooner habité. The Klaxon a encore un dernier pied sur la noirceur toute gothique des débuts du groupe, mais discerne déjà bien au loin les contours urbains des sixties américaines.

Ensemble d’influences post-punk, d’orchestrations baroques, d’instrumentaux finement construits et de perles pop, la barque s’avère on ne peut plus pleine, mais divinement équilibrée. Pour dire, "Dialogue" pourrait être la chanson de Jones la plus aboutie, encore aujourd’hui. Le novateur et très jazzy "Soul Driver" rend presque palpable la moiteur nocturne d’une ruelle sans nom au coeur d’une ville maritime. Mettant en scène contes et paysages humides du plat pays ("The Flatlands" ; "The Dutchman"), c’est bien autour d’Amsterdam et de ses canaux que finit la route.

Forcés par le temps à adapter leurs gimmicks de corbeaux pour survivre, les And Also The Trees continuent leur mue initiée par Green is the sea en 1992, et, sans éclaireur, placent le groupe sur une brèche inédite. Signe du réchauffement et de l’adaptation, les Cure, leurs «parrains» des débuts, venaient de sortir un Wish suscitant une belle polémique chez les aficionados. De manière moins médiatique, ce sixième album studio d’AATT a évité l’impasse, et reste le point d’orgue d’une carrière exemplaire. Avant dix années d’une longue traversée du désert.


- runeii, le 29 04 2008