Petite pépite, joyau sensible que l’on voudrait protéger des mauvais regards autant qu’exposer aux bienveillants : Sarabeth Tucek nous fait part de sa maîtrise totale de tous les codes du folk dans une succession de neuf chansons, mélancoliques et minimales. Mais ici le minimalisme n’est pas propice à la monochromie, bien au contraire.
Le premier titre, "Something for You", nous plonge tout de suite dans le vif du sujet. Il y a la guitare scandée qui immanquablement fait penser aux premiers accords d'"Heroin" du Velvet Underground. Puis vient la voix, étonnamment posée, au phrasé impeccable, une voix affirmée mais pudique, claire mais avec de la personnalité, une voix qui dit quelque chose de l’émotion qui affleure. Une voix mise en valeur par quelques instruments, présents mais pas envahissants, guitares, une batterie, un tambourin qui rythment délicatement l’ensemble. Et c’est là que l’on prend conscience que l’économie et la pudeur peuvent mener au sublime. Les titres s'enchaînent : voix feutrée et musique tamisée s’accordent harmonieusement pour former des ballades mélancoliques et intimistes. On commence à penser à Joni Mitchell et à Bob Dylan, à l’automne, à la pluie qui tombe et au temps qui s’écoule, une rêverie toute cotonneuse fait son nid, comme une respiration, un interstice dans le quotidien. La rêverie continue son œuvre avec cette phrase : « I know you are far from home and I wish I could open up my arms for you today », tout y est suspendu, elle qui dit tant l’incertitude, paralyse et qui fait même douter de sa capacité à accueillir l’être cher dans ses bras. "Nobody Cares" ponctue l’album d’un moment de légèreté, dès les premières notes on se surprend à sourire et à bouger la tête à la faveur d’une mélodie entraînante, la ligne de guitare est impeccable et efficace et nous fait penser aux si belles guitares de feu The Sundays, notre sourire grandit encore plus à l’évocation de ce souvenir. Cette chanson arrive à point nommé au milieu de l’album car elle crée un relief là où il serait facile de tomber dans le ronronnement.
L’album se clôture par "Home", climax sensible où se mêlent piano, cor et cordes, une ponctuation triste et profonde mais flamboyante, une recherche du cocon originel, celui où enfin tout s’apaisera, « Can I come inside just for a while, I wanna know how to be home ».
- Sabine, le 12 03 2008