Un témoignage à cœur ouvert, à la fois pudique et sobre. Nick Cave se met à nu, prouvant et c’est là l’essentiel, qu’il est capable de servir un authentique récit de vie à la première personne, bien loin de sa galerie grand-guignolesque de personnages qu’il affectionne.
C’est aussi un disque de songwriter revenu de ses excès (la débauche meurtrière de Murder Ballads), et un retour aux sources de la spiritualité, point qui fera hurler certains fans des débuts. Alors, des bondieuseries ? Les caprices de l’âge d’un rockeur en pleine crise de quarantaine ?
Casse-gueule à priori, l’exercice est tenu dès les premières notes de "Into my Arms". Le silence nous saisit d’emblée. Une entrée feutrée sur un piano dépouillé, pour une veillée qui saisit l’amour dans ce qu’il a de plus universel. Pour l’anecdote glauque, le titre sera exécuté par Nick lui-même aux obsèques de Michael Hutchence (INXS). C’est animé pourtant par les passions d’une saison pour PJ Harvey que Nick Cave signe quelques-unes de ses meilleures chansons sur l’amour. Sa muse d’un temps nous abandonne ainsi plusieurs méditations romantiques ("Black Hair", "West-Country Girl").
Comme backing-band, les Bad-Seeds se dissimulent dans l’ombre, austères et énigmatiques. Au fond, on pourrait croire à un album solo de Nick, qui signe toutes les compositions, fait jusqu’ici plutôt rare pour être signalé. Le crooner donne une large part au piano, et se voit parfois soutenu par une légère section rythmique, devançant des guitares plutôt avares en notes. Et la production minérale de Flood drape le tout d’un voile crépusculaire, rendant toute lumière bien ténue.
Pas franchement gai mais d’une honnêteté déconcertante, l’appel du pêcheur (parabole biblique au cœur de "Lime-Tree Arbour") n’a pas de précédent, si ce n’est peut-être le romantisme noir de Your funeral …My Trial sorti...10 ans plus tôt exactement. Assagi et adulte, Nick Cave connaîtrait-il le blues du temps qui fuit ? LE disque de la maturité par excellence, The Boatman's Call est un sérieux coup d'arrêt aux artifices de l'existence. Saisissant.
- runeii, le 22 02 2008