Katamine a décidément un don pour les contrastes. Si vous pensiez avoir dégusté la quintessence du mal sur son premier album, l’effrayant Lag, vous en boirez carrément la tasse cette fois-ci. Fidèle à son concept de folk minimal hanté par des overdubs, Assaf Tager enregistre Forest of Bobo en le confiant à un producteur digne de ce nom, soit l’infaillible de Wharton Tiers (qui a déjà bidouillé avec Sonic Youth, les Swans ou Nick Cave). Résultat : un pas en avant permettant une bien meilleure cohésion d’ensemble et l’arrivée de nouvelles richesses sonores.
Ainsi, deux manières d’entendre cette histoire d’ours se présentent à vous (oui, vous avez bien lu). Votre autoradio, votre PC, votre sonnerie de portable : Forest of Bobo se racontera comme un disque épuré de Mark Kozelek, noyé au fond d’un bayou et ressuscité parmi les ombres. Du slowcore délicat imaginé par un Bedhead sous-alimenté, si c’est toutefois possible.
Par contre, l’écoute ouvre à d’autres perspectives sur une sono plus conséquente : auparavant en second plan, les larsens de feedback, marque de fabrique de Katamine, esquissent d’autres univers sensoriels, entre vibrations noisy ou murs du son, sans jamais toutefois devancer les instruments (volontairement limités à une guitare, une basse et une batterie).
Il en résulte que la voix chuchotée de Tager se fait menacer de toutes parts, et que ce disque prend une tournure franchement plus inquiétante.
Sur la brèche, entre faux calme neurasthénique et enfer qui couve au fond du bois, ce deuxième jet de Katamine est ainsi novateur à plus d’un titre par les émotions qu’il suscite. Autant de Lag émanait une sorte de colère rentrée sur le point de rugir, autant Forest of Bobo cultive un climat glacial devant l’horreur qui rôde quelque part. Une véritable beauté malsaine, difficile à chroniquer par ailleurs.
Tager disait de ce disque qu’il lui était apparu à partir d’un rêve ; on en ressort effectivement transi et bien déconnecté du monde réel, avec la sensation d’avoir frôlé le cauchemar. Un disque novateur à prendre avec des pincettes.
- runeii, le 13 12 2007