Glacé et magnétique, ce quatrième album de Fernando Corona alias Murcof, avance d’un pas de géant après Martes, Utopia et Remembranza, prouvant définitivement pour les derniers incrédules (s’il en reste) son talent inné de magicien. Rien de moins que le cosmos au menu, donc. Issu d’abord sous forme de EP puis augmenté de deux compositions, l’album-concept est bien palpable, éloigné en cela du redondant néo-classique Remembranza en 2005.
Toujours amateur de répétitions minimalistes ainsi que de rencontres entre textures symphoniques et électroniques, Murcof nous plonge cette fois-ci dans l’écrin classique de Holst et de sa suite des planètes, un petit air de 2001 Odyssée de l’Espace en plus. Parfois, on frissonne suspendu à une constellation ambient froide que le norvégien de Geir Jenssen aurait pu esquisser avec Biosphere, mais sans l’envergure et le détachement proposé ici. La plupart du temps, c’est bien notre radar qui reste en berne face à une absence de signal connu : toutes nos ouïes demeurent ouvertes sur ce que l’univers à nous offrir. Un voyage interstellaire, carrément, et rien de moins.
La beauté froide dégagée semble parfois inhumaine, que ce soit face à la démesure des orgues de "Cosmos II" (du Stars of the Lid joué dans le rouge) ou lorsqu’un spasme secoue l’univers sur "Oort". Volontairement inconfortable par moments, il suffit à Murcof de donner un peu de mou, quelques notes de cordes ou de piano ici ou là pour rééquilibrer la trajectoire. Il suscite aussi l’attente, le sentiment implacable de solitude face à l’incommensurable… avant de nous faire regagner un cockpit bien chaud.
La force de ce Cosmos deviendra aussi une relative faiblesse : il faut un certain temps pour entrer dans ce disque-univers. Bien plus que par le passé, le mexicain confronte ses talents d’arrangeur aux univers de l’électro-acoustique, incluant cette fois-ci des idées plus abstraites et la force des images. Donc si vous êtes crevés au sortir du boulot, évitez Cosmos. Si vous rêvez de vous éclater sur des tempos endiablés, zappez Cosmos. En fait, c’est un disque qu’on écoute peut-être qu’une seule fois de bout en bout et qu’on ne sait pas où ranger, peut-être entre Arvo Pärt et Harold Budd. Inclassable et désespérément indispensable.
- runeii, le 27 10 2007