Interviews : Tindersticks (Genève, 14 juin 2009)

6 décembre 2008, quelques heures avant un concert magnifique à l'Usine de Genève, musique-chroniques.ch en collaboration avec Radio Cité rencontrait Stuart A. Staples, leader des Tindersticks pour leur unique interview Suisse lors de cette tournée 2008. Béret écossais sur la tête, rouflaquettes bien taillées, c'est confortablement enfoncé dans les fauteuils que le chanteur répondait très sympathiquement à nos questions.
Stuart, quelques membres de l'aventure des Tindersticks version 2008 étaient là lors de vos albums solos (ndlr : Lucky Dog Recordings et Leaving Songs), à quel moments vous-êtes vous dit que l'aventure solo était finie et qu'il fallait relancer les Tindersticks ?
Stuart:
Après Waiting for the Moon et sa tournée, on avait vraiment besoin, en tant que groupe de personnes de faire un break. Moi j'avais ces choses que je voulais vraiment faire, ces albums solo qui sont quelque chose de très spécifique pour moi, quelque chose de plus petit et plus expérimental dont un album de singer-songwriter enregistré live à Nashville. Et après cela, j'étais très ouvert pour voir ce qui allait arriver ensuite. Nous avons joué un concert en 2006 tous ensemble avec le line-up original pour voir si nous avions encore le feeling. Et puis David, Neil et moi on s'est dit qu'on était prêt à retenter quelque chose, mais au jour le jour, se revoir les week-end et tenter et voir ensuite si on arrivait à en en faire grandir quelque chose. Et c'est arrivé et la chose grandit toujours chaque nuit en ce moment.
The Hungry Saw a été enregistré loin du brouillard londonien, dans le sud de la France, cela fait-il une différence dans votre approche musicale ?
Stuart:
ce n'est pas réellement pour une question d'humeur qu'on est partis, surtout une question d'espace. On était à Londres depuis 20 ans et ça fait 3-4 ans qu'on se demandait comment se barrer de cet endroit et en fait on est passé par là et on a senti que l'endroit était bien et qu'on pourrait faire quelque chose ici. Mais la différence est surtout que l'on est loin de la ville et une grande partie de mes chansons s'inspirent de l'ambiance des grandes villes, c'était donc l'occasion de changer tout cela, voir la chose sous un autre angle. Je ressens donc un changement, mais celui-ci se traduira probablement de manière plus nette à l'avenir.
Comment ressentez-vous l'image véhiculée par les Tindersticks, plutôt vue comme mélancolique et romantique?
Stuart:
je pense que les gens associent cette musique à ces sentiments car c'est ce qu'on doit dégager, et on dégage un peu de ce qu'on est. Il n'y a pas particulièrement d'idée de design ou de marketing à propos de cela.
Quelle est votre réaction par rapport à tout ce qu'on peut écrire et dire sur le groupe ?
Stuart:
c'est bien de faire des tournées et de rencontrer des gens. Après, j'essaie de ne pas me laisser envahir par ce qu'on peut en penser ou en dire. Je dois rester en état de jouer mes chansons et pourquoi pas d'affecter ainsi les gens.
Vous avez fait des duos avec Lhasa, Carla des Walkabouts, comment se passent ces rencontres et y'a-t-il d'autres plans avec de si charmantes voix ?
Stuart:
La relation avec Lhasa est quelque chose qui a grandi depuis le moment ou nous nous sommes rencontrés et je suis certain que dans le futur on fera encore des choses ensemble. Ces rencontres, c'est juste le bon endroit et les bonnes idées au bon moment..
Que pouvez dire de deux projets, un défilé de mode que vous avez fait récemment et votre collaboration avec le cinéma, notamment avec Claire Denis ?
Stuart:
Le défilé, c'était vraiment une bizarrerie, tous ces gens qui travaillent durant des années pour un feu d'artifice qui dure douze minutes. C'est étrange de collaborer à ce projet. Quant au cinéma, on vient de finir de travailler sur le dernier film de Claire, 35 Rhums, qui sortira en février. C'est probablement son meilleur film. Je remarque que plus on travaille ensemble, plus la relation avec Claire devient unique, on parle très peu, elle nous donne le script et nous laisse ressortir notre feeling, c'est ce qu'elle recherche, faire ressortir un sentiment des gens sur son travail.
Vous avez remastérisé vos premiers albums en 2004 avec un CD Bonus pour chaque disque, l'an passé on a vu arriver les BBC Sessions, combien de trésors cachés avez-vous encore en stock ?
Stuart:
C'est fini (rires). Non en fait nous n'avons pas vraiment décidé de sortir tout cela, mais on nous a proposé d'y participer et nous avons accepté, pour rendre ces disques le meilleur possible selon notre goût.
On dit souvent qu'il y a les trois premiers albums des Tindersicks et qu'ensuite il y a une césure et un nouveau son Tindersticks dès Simple Pleasure, est-ce également votre avis ?
Stuart:
Après Curtains, c'était un peu l'an zéro, on s'est dit "on ne va jamais refaire de telles choses, on veut approcher la musique d'une façon totalement différente". C'était un période un peu difficile, on voulait tout effacer. Simple Pleasure a été fait dans une optique de revenir un groupe qui fait des choses simples, moins torturées, moins d'overdubs partout. Mais je garde un profond respect pour cette première période du groupe, on aurait pu continuer ainsi longtemps, faire ce qu'on savait faire. Mais d'avoir changé, d'avoir forcé les gens à accepter ces changements c'est ce qui nous a permis de rester en vie. Ça nous a libéré, maintenant qu'on l'a fait une fois, on se laisse les portes ouvertes à toutes les idées et c'est ça qui est aussi très stimulant.
Qu'y a-t-il sur la platine de Stuart A. Staples ?
Stuart:
j'ai deux ados à la maison, donc la musique est un grand sujet de bataille actuellement, chaque semaine il y a une nouvelle bande à découvrir. C'est très bien, mais parfois quand j'ai envie d'écouter un groupe et d'apporter la paix dans cette demeure (rires). J'aime bien la France pour cela, il y a plein de choses dans la chanson française que je ne connaissais pas et que j'aime, comme Léo Ferré ou Jacques Brel. En fait, je pense que c'est une musique que j'ai toujours connu sans jamais savoir qu'elle existait sous cette forme. C'est l'occasion de ressentir quelque chose de nouveau.

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